New Horizons : rendez-vous avec Pluton

Publié le 05 janvier 2016

New Horizons : rendez-vous avec Pluton

Du 13 au 16 juillet, la Cité de l’espace à Toulouse permettra à ses visiteurs de suivre le déroulé des événements en temps réel. Informations à suivre aussi sur Enjoy Space.
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Après un peu plus de 9 ans de voyage, New Horizons arrive enfin en vue de Pluton. Cette sonde de la NASA a été conçue par l’Applied Physics Laboratory de la Johns Hopkins University (dans le Maryland) qui gère également le suivi de la mission. Lorsque son budget de 700 millions de dollars (réparti sur 10 ans) a été approuvé et même lors de son lancement le 19 janvier 2006, New Horizons se dirigeait vers la neuvième planète, seule planète du système solaire qui n’avait pas été survolée ou visitée par une sonde !



Pluton vue par New Horizons fin mai et début juin à environ 50 millions de kilomètres de satiné. La résolution des clichés va s’accroitre de façon spectaculaire.
Crédit : JHU/APL – NASA

Image d’artiste montrant New Horizons croisant Pluton le 14 juillet 2015. Crédit : JHU/APL – NASA

Tel n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui puisque Pluton, découverte en 1930 (plus de détails par la suite) n’est plus une planète à part entière. En août 2006, l’Union Astronomique Internationale a déclassé Pluton de son statut à celui de planète naine car son orbite est trop encombrée par d’autres objets, ceux de la ceinture de Kuiper (ceinture d’astéroïdes et de comètes située au-delà de l’orbite de Neptune).

Néanmoins, Pluton reste un monde fascinant par son caractère extrême. Très loin du Soleil (de 4,4 à 7,3 milliards de kilomètres), elle met 248 années terrestres à faire le tour de notre étoile. Avec un tel éloignement, il y fait très froid, en moyenne -230 °C. Avec un diamètre de 2.306 km, Pluton est plus petite que la Lune de la Terre. Qu’à cela ne tienne, Pluton a tout de même sa propre lune, Charon, qui affiche 1.207 km de diamètre… Oui, la lune de Pluton est seulement deux fois plus petite en diamètre que sa «planète», un cas unique dans le système solaire. Quatre autres lunes plus petites (d’une quinzaine à une centaine de kilomètres de large) complètent le système plutonien : Hydra, Nix, Kerbéros et Styx.

Une visite de quelques heures après 9 ans de voyagePetite et loin, l’ex-neuvième planète du système solaire est particulièrement difficile à observer avec précision depuis la Terre ou même avec le télescope spatial Hubble qui a juste dévoilé quelques irrégularités de luminosité à sa surface. C’est pourquoi le seul moyen d’en savoir plus était d’envoyer là-bas une sonde, New Horizons. Cependant, l’explorateur robotique passera tel un boulet de canon (plus rapidement en fait !) au sein du système plutonien à la vitesse relative de presque 50.000 km/h ! Pourquoi si vite ? Car il fallait une telle vitesse pour atteindre Pluton après un temps de voyage raisonnable (tout de même 9 ans au compteur !) et que freiner pour se placer sur orbite autour de Pluton aurait nécessité d’emporter de telles quantités de carburant qu’aucune fusée n’aurait pu décoller avec l’engin. Regardez le schéma ci-dessous et vous verrez que New Horizons ne dispose que de quelques heures pour étudier Pluton et ses lunes avec ses 7 instruments. Le 14 juillet à 11h49 Temps Universel (13h49 en France), New Horizons sera au plus près de Pluton à seulement 12.500 km de sa surface.

Ce schéma montre la fulgurante traversée du système plutonien par New Horizons. Les heures sont en temps de New Horizons et en Temps Universel. Par exemple à 11h 49mn 58s, la sonde sera au plus près de Pluton à 12 500 km. Cet événement se produira à 13h 49mn 57s à l’heure de votre montre en France. Mais si la sonde émettait une image à ce moment-là, on ne le recevrait que 4h et 25mn plus tard, soit à 18h14. Toutefois, comme expliqué, New Horizons ne transmettra rien en «temps réel» le 14 juillet. Crédit : Enjoy Space d’après JHU/APL – NASA

En bref, New Horizons n’aura pas le temps de récolter des données et de les transmettre en même temps. C’est donc le fonctionnement des instruments scientifiques qui est prioritaire. Il faut se rendre compte que la sonde va accomplir toute une série de manoeuvres en tournant sur elle-même afin de viser successivement Pluton et ses lunes avec ses instruments. La séquence est intégralement automatisée et aura été envoyée à l’ordinateur de bord bien avant. Lorsque la rencontre se déroulera, les contrôleurs au sol ne pourront rien faire car s’ils envoyaient alors un ordre, la sonde ne le recevrait que 4 heures et 25 minutes plus tard, le temps au signal radio (qui se propage pourtant à la vitesse de la lumière soit 300 000 km/s) d’arriver. Et oui, Pluton est si loin que ça ! Le 14 juillet, elle sera à 4,8 milliards de kilomètres de notre planète. On voit que les «pilotes» de New Horizons à l’Applied Physics Laboratory de la Johns Hopkins University n’ont pas le droit à l’erreur, car de la programmation effectuée dépend le succès de la mission et tout se joue en quelques heures seulement !
Lors de sa rencontre avec le système plutonien, la sonde va donc accumuler images et données, envoyant un «bip» de «bonne santé» vers 1 heure du matin le 15 juillet (heure française). Néanmoins, le 14 juillet, on aura reçu des images de la veille qui montreront déjà Pluton à des résolutions inédites.

Du 13 au 16 juillet d’ailleurs, la Cité de l’espace à Toulouse permettra à ses visiteurs de suivre le déroulé des événements en temps réel. Informations à suivre aussi sur Enjoy Space et le fil Twitter de la Cité de l’espace.

Le jeudi 16 juillet, lors de la première nocturne estivale de la Cité de l’espace, des animations spéciales Pluton feront le point car, entre-temps, on devrait avoir reçu des clichés de la surface avec une résolution de 400 m. Des invités experts en la matière seront également présents pour commenter cette première spatiale qui restera longtemps unique car, pour le moment, aucune mission n’est prévue pour retourner observer Pluton d’aussi près !
Pour plus d’informations sur cet événement de la Cité de l’espace, lisez cet article.

Pour comprendre plus avant les enjeux du survol de Pluton par New Horizons, revenons sur la découverte de ce monde lointain.

La découverte de Pluton

Nous sommes au début de l’année 1930. Un jeune astronome américain de 23 ans, Clyde Tombaugh (1906-1997), travaille pour l’observatoire Lowell de Flagstaff (Arizona). Cet observatoire fut fondé par l’homme d’affaires Percival Lowell en 1894 car il souhaite étudier Mars. Il deviendra célèbre en affirmant que la planète rouge est parsemée de canaux construits par une civilisation martienne (on sait aujourd’hui que ces canaux étaient une illusion causée par des observations visuelles à la limite de la résolution instrumentale). Lorsqu’il meurt en 1916, Lowell cède une partie de sa fortune pour que l’observatoire continue de fonctionner avec notamment pour but de découvrir la planète qui doit causer les perturbations constatées sur les orbites d’Uranus et Neptune. C’est pourquoi Clyde Tombaugh compare des plaques photographiques de diverses régions du ciel afin de détecter une «étoile» qui aurait bougé par rapport à d’autres : ce pourrait alors être une comète, un astéroïde ou le fameux monde recherché. Le 18 février 1930, il note qu’un objet de magnitude 15 (ce qui est très faible en luminosité) a changé de place entre plusieurs clichés, le dernier datant du 29 janvier.

 

Clyde Tombaugh, le découvreur de Pluton en 1930. Une partie de ses cendres est embarquée sur New Horizons pour lui rendre hommage.Crédit : DR

Le 13 mars, l’observatoire télégraphie sa découverte au Harvard College Observatory à Cambridge aux États-Unis. En Angleterre, une jeune fille de 11 ans et petite fille du bibliothécaire de l’université d’Oxford, Venetia Burney (1918-2009), entend parler de la découverte et suggère de baptiser la nouvelle planète Pluton, dieu des enfers dans la mythologie romaine qui a la faculté de se rendre invisible (une allusion au fait que ce monde est resté inconnu jusque là). La proposition est transmise à l’Union Astronomique Internationale et le directeur de l’observatoire Lowell approuve car avec ses deux premières lettres P et L, Pluton rend indirectement hommage à Percival Lowell (chose que n’avait pas envisagée la jeune Venetia Burney).
On sait aujourd’hui que les calculs de Lowell sur lesquels les observations menées par Clyde Tombaugh ont été planifiées étaient faux. Pluton a en quelque sorte été découverte en se basant sur une fausse théorie ! Les perturbations des orbites d’Uranus et de Neptune constatées à l’époque avaient pour origine des imprécisions de mesure.

Un «ultra-monde»

Peu après sa découverte, Pluton suscite l’intérêt, mais son éloignement en fait un objet des plus difficiles à observer. On pense alors qu’elle est plus grande que Mercure (4.879 km de diamètre), mais plus petite que Mars (6.779 km). Aucun détail n’est discernable à sa surface. Pour donner une idée, lorsque sa lune Charon est découverte en 1978 (par l’Américain James Christy), ce n’est pas parce que des clichés montrent deux astres séparés, mais parce qu’une sorte d’excroissance apparaît sur l’image floue et sans détail de Pluton. L’excroissance n’est pas une forme bizarroïde de la neuvième planète, mais la lune Charon que les instruments d’alors ne peuvent totalement distinguer.
Par la suite, notamment grâce au télescope spatial Hubble, on tentera d’en savoir plus. À Charon s’ajoutent ainsi les 4 autres lunes évoquées plus haut. Hubble a aussi montré que la surface de Pluton n’est pas homogène en luminosité. De quoi s’agit-il ? De reliefs, d’étendues de glaces ?

La surface de Pluton par Hubble. Peu de détails vu l’éloignement de la planète naine, mais des différences de luminosité interprétée comme des régions recouvertes de glace d’azote (zones claires) ou de matériaux sombres ou encore l’effet de reliefs. Crédit : NASA, ESA, and M. Buie (Southwest Research Institute)

Par spectroscopie (décomposition de la lumière), on sait que la surface du monde lointain est recouverte par endroits de glace d’azote, de méthane ou d’éthane. Car il y fait suffisamment froid pour que ces gaz y existent à l’état solide. Se dégage ainsi le portrait d’une planète des «ultras». Ultra-lointaine et ultra-petite, elle est également ultra-froide avec des températures allant de -238 °C (zones claires) à -213 °C (pour les zones sombres plus «chaudes»). Son orbite est de plus ultra-désaxée puisqu’elle est inclinée de 17,14° par rapport au plan orbital de la Terre qui sert de référence (appelé aussi écliptique). Ces 17,14° constituent un record, et même Mercure (planète la plus proche du Soleil) avec ses 7° en est très loin ! L’excentricité de l’orbite de Pluton est de plus très prononcée puisqu’au plus près Pluton est à 4,4 milliards de km du Soleil (elle est donc plus proche de notre étoile que Neptune mais le chemin des deux planètes ne se croise jamais) et au plus loin à 7,3 milliards de kilomètres. Tous ces éléments, sans oublier son énorme (proportionnellement) lune, font finalement de Pluton une planète naine à la fois ultra-bizarre et… ultra-médiatique ! Le fait de perdre son statut de planète à part entière n’a en effet rien entamé à son aura, bien au contraire, créant une sorte d’élan de sympathie souvent relayé avec humour, avec des gens citant le maître Jedi Yoda de la saga Star Wars disant «size matters not» (la taille ne compte pas) ou encore Alan Stern, le patron de la mission New Horizons, qui «remercia» l’Union Astronomique Internationale d’avoir attendu que la sonde soit partie avant de déclasser Pluton, son argument étant qu’il n’aurait jamais obtenu que des politiciens votent un budget de 700 millions de dollars pour aller visiter une planète naine au lieu d’une planète à part entière.
L’ultra-monde conserve bien évidemment un fort intérêt scientifique. En nous dévoilant Pluton, New Horizons va nous montrer pour la première fois un objet qui représente ce qu’on baptise la troisième zone du système solaire (la première s’étend de Mercure à Mars, la deuxième englobe les géantes gazeuses de Jupiter à Neptune). Une zone dont on sait si peu de choses et qui témoigne pourtant des processus à l’œuvre lors de la formation du système solaire. Les observations réalisées depuis la Terre indiquent que contrairement à ce qu’on pourrait croire, Pluton n’est pas un monde totalement figé par le froid. Un phénomène de saison (forcément très lent avec une année de 248 années terrestres) pourrait créer des calottes polaires et la densité de son atmosphère varie en fonction de l’éloignement d’avec le Soleil.

La surface de Triton, lune de Neptune, photographiée par Voyager 2 en 1989. Pluton lui ressemble-t-elle ? Le suspens sera levé bientôt ! Crédit : NASA

Pluton ressemble-t-elle à la lune Triton de Neptune qui exhibait lors du passage de la sonde Voyager 2 en 1989 une atmosphère peu dense d’azote et des traces sombres attribuées à des geysers ? Les astronomes estiment en effet que Triton pourrait être un objet de la ceinture de Kuiper (comme Pluton donc) capturé par Neptune. Nul doute que les données acquises le 14 juillet 2015 risquent de marquer une nouvelle étape dans la connaissance de notre système solaire.

Publié le 17 juin 2015