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Hubble démontre que l’Univers s’étend plus vite que prévu
Publié le 03 juin 2016
Grâce à des observations du télescope spatial Hubble, une équipe d’astronomes dirigée par le prix Nobel Adam Riess estime que la vitesse d’expansion de l’Univers est 5 à 9 % plus rapide que ce qui avait été théorisé jusqu’à maintenant.
Depuis le Big Bang, l’Univers n’a jamais cessé d’être en expansion. Cela signifie que la distance entre les galaxies (le phénomène n’a de sens que sur de telles grandes échelles) ne cesse d’augmenter. Mais en 1998, des astronomes démontrent que le rythme de cette expansion augmente ! Donc, la vitesse avec laquelle les galaxies s’éloignent les unes des autres (exception faite d’interactions localisées où elles forment des amas ou peuvent même entrer en collision) ne cesse de croître (on estimait avant qu’elle était en baisse). Ainsi est née la notion d’énergie noire dont on ne connaît pas la nature et qui fournirait cette impulsion en hausse. Le 2 juin dernier, nouvel épisode dans cette saga de l’expansion du Cosmos à l’occasion d’un communiqué de presse du STScI (Space Telescope Science Institute) qui gère le télescope spatial Hubble : la vitesse concernée serait 5 à 9 % plus élevée que ce que l’on pensait jusque là. Une conclusion issue de données récoltées avec l’observatoire orbital qui associe la NASA et l’Agence Spatiale Européenne (ESA).
À la tête de l’équipe d’astronomes à l’origine de cette constatation, on trouve l’astrophysicien américain Adam Riess qui a reçu en 2011 (avec Saul Perlmutter et Brian Schmidt) le prix Nobel de Physique pour la mise en évidence de l’énergie noire. Cette énergie représente 68,3 % du bilan masse/énergie de l’Univers, avec 26,8 % pour la matière noire (matière dont on observe les effets gravitationnels, mais qu’on ne voit pas), et seulement 4,9 % pour la matière ordinaire.
La constante de Hubble en question
On notera que l’énergie noire et l’accélération de l’expansion de l’Univers découlaient déjà d’observations accomplies avec le télescope spatial Hubble. Il faut dire qu’il avait dès le départ été conçu, entre autres, pour affiner ce qu’on appelle la constante de Hubble. Mais cette fois-ci il s’agit de Hubble pour Edwin Hubble (1889-1953), l’astronome, et non pour le télescope !
En effet, en 1929, l’astronome américain publie ses travaux qui affirment que les galaxies s’éloignent entre elles d’autant plus vite qu’elles sont distantes. La notion d’expansion de l’Univers est donc confirmée par les observations d’Edwin Hubble alors même qu’Albert Einstein avait corrigé certaines de ses fameuses équations avec la constante dite cosmologique pour éviter une telle conséquence ! Toutefois, la valeur de la constante de Hubble fait débat. Avant le télescope spatial, la fourchette considérée allait du simple au double. Les nombreuses données recueillies avec l’observatoire orbital ont permis d’établir celle-ci à 70 kilomètres par seconde par mégaparsec (1 mégaparsec vaut 3,26 millions d’années-lumière) avec une fourchette d’erreur de 10 %. Pour y parvenir, on mesure l’éclat de certaines étoiles* ou supernovae afin d’en déduire la distance à laquelle se trouvent les galaxies qui les hébergent, puis on déduit la vitesse d’éloignement de ces galaxies (décalage vers le rouge de leur lumière causé par la vitesse). L’équipe d’Adam Riess s’est basée sur une détermination encore plus précise de la constante de Hubble (à nouveau via une série d’observations avec le télescope spatial) dont la fourchette d’erreur est réduite à 2,4 %. On obtient alors 73,2 kilomètres par seconde par mégaparsec. Cela signifie qu’à ce rythme, la distance entre des galaxies éloignées doublera dans 9,8 milliards d’années.
L’Univers en excès de vitesse
Le problème est que ce chiffre est 5 à 9 % plus élevé que ce qu’on obtiendrait en le calculant à partir d’autres données (et en tenant compte du rôle de l’énergie noire). Par exemple avec des mesures du fond diffus cosmologique (aussi connu sous l’acronyme anglais CMB pour Cosmic Microwave Background) qui est la première lumière émise visible 380 000 ans après le Big Bang (données issues des satellites américain WMAP et européen Planck). Normalement, les données devraient correspondre.
Adam Riess explique en quoi la situation n’est pas satisfaisante : «Si nous connaissons la quantité initiale de substance dans l’Univers, telle que l’énergie noire et la matière noire, et que nous disposons d’une physique correcte, alors on peut partir d’une mesure à une époque peu après le Big Bang et utiliser cette compréhension pour prédire à quelle vitesse l’Univers devrait s’étendre aujourd’hui. Toutefois, si cette différence persiste, il apparaît que nous pourrions ne pas avoir la bonne explication».
Cet excès de vitesse constaté de l’expansion de l’Univers pose donc un problème qui concerne les fondations mêmes de la cosmologie actuelle. Les pistes envisagées sont nombreuses. L’énergie noire, dont on sait qu’elle accélère l’expansion de l’Univers, le fait peut-être de façon plus forte. Des particules subatomiques non-encore détectées et voyageant proche de la vitesse de la lumière appelées collectivement radiation noire seraient la source de l’énergie supplémentaire nécessaire à l’excès de vitesse. À moins qu’il ne s’agisse là d’un effet inattendu de la matière noire. Enfin, on envisage aussi que ces 5 à 9 % de trop trahissent le fait que la théorie de la gravitation d’Einstein est incomplète. Adam Riess résume ainsi le défi posé par ses travaux : «les deux extrémités (les mesures issues du Big Bang et celles de la vitesse d’éloignement des galaxies d’aujourd’hui) ne se rejoignent pas au milieu et nous voulons savoir pourquoi».
(*) Ces étoiles, notamment celles de la famille des céphéides ont une variation de luminosité qui dépend de leur éclat absolu. Avec la distance, l’éclat observé est moindre (comme une lampe qui semble moins brillante vue de loin que de près) et la comparaison entre celui-ci et l’éclat théorique permet de déduire la distance à laquelle se trouve l’étoile et donc la galaxie dans laquelle elle est.