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PILOT : un télescope stratosphérique pour plonger au cœur des galaxies

Publié le 12 mars 2018

Une carte du champ magnétique situé au cœur de notre galaxie vient d’être réalisée grâce aux observations stratosphériques de l’instrument PILOT, dans le cadre d’une mission du Centre National d’Etudes Spatiales (Cnes) effectuée pour mieux comprendre l’Univers en étudiant le rôle du champ magnétique et des poussières interstellaires.

PILOT : un télescope stratosphérique pour plonger au cœur des galaxies

L’expérience PILOT (Instrument Polarisé pour l’observation à grande Longueur d’Onde du milieu interstellaire Ténu) vise à mesurer, dans l’infrarouge lointain, l’intensité et la polarisation du rayonnement de minuscules particules de poussières présentes dans le milieu interstellaire. Ce signal est important à mesurer car il nous cache, entre autres, une partie des toutes premières lumières émises par l’Univers – ce que les scientifiques appellent le « fond diffus cosmologique » – lorsqu’il n’avait que 380.000 ans après le Big Bang.
La carte réalisée grâce à Pilot, première d’une longue série à venir, alimentera notamment la réflexion sur le rôle du champ magnétique dans la formation des étoiles et des galaxies.
« En observant la structuration de ce champ magnétique, on va peut-être mieux comprendre comment la matière se structure, au-delà des forces de la gravitation. La gravitation joue inévitablement son rôle, mais c’est peut-être plus complexe que ça », estime Muriel Saccoccio, chef de Projet de la Mission Pilot au Cnes.
« Les mécanismes qui structurent l’infiniment petit (ex. les atomes) ont été jusqu’ici expliqués par des lois différentes de celles qui structurent l’infiniment grand (les planètes, systèmes solaires et galaxies). Or les physiciens aspirent à une théorie unifiée pouvant s’appliquer à tout », précise-t-elle.

PILOT en quête du premier rayonnement après le Big Bang

L’instrument PILOT, un télescope de 500 kg, réalise ses observations entre 30 et 40 km d’altitude, emporté par un ballon stratosphérique. En effet, il réalise ses observations astronomiques à 240 microns, et le rayonnement venant de l’espace à cette longueur d’onde est bloqué par l’atmosphère, donc invisible depuis le sol.

Envol de PILOT dans le ciel d'Australie Crédit : Sébastien Chastanet - OMP/ORAP/UT3/CNES/CNRS

Envol de PILOT dans le ciel d’Australie
Crédit : Sébastien Chastanet – OMP/ORAP/UT3/CNES/CNRS

Deux campagnes d’observation ont déjà été réalisées par Pilot. L’une en 2015 au Canada pour observer la partie de notre galaxie visible depuis l’hémisphère nord, l’autre en Australie en 2017, notamment pour les régions du ciel seulement visibles depuis l’hémisphère sud.

PILOT : un œil perçant

Les données recueillies, en cours d’analyse, montrent déjà que la direction de polarisation constatée sur ces poussières interstellaires indique que le champ magnétique est aligné avec le plan de la galaxie, ce qui est en accord avec les mesures faites précédemment, dans une autre fréquence, par le satellite de l’Agence spatiale européenne (ESA) Planck.

Les observations réalisées à partir de l’Australie ont été révélatrices. La région observée est la zone centrale de la Voie Lactée, notre galaxie. Particulièrement riche en gaz dense et en poussières, elle dégage une émission infrarouge importante, due au rayonnement thermique de ces poussières.

Ces propriétés ont permis à PILOT d’obtenir une carte de polarisation de la galaxie beaucoup plus précise que celle réalisée avec les données transmises par Planck de 2009 à 2013.
Ainsi, l’instrument a pu « voir » des poussières uniquement détectables en infrarouge. Et, « comme de la limaille de fer attirée par un aimant, ces poussières dessinent les lignes de champ magnétique de notre Voie Lactée. C’est comme si on avait mis un coup de projecteur, qui nous a permis de voir ‘la limaille de fer’ attirée par l’aimant. On a eu accès à une image, la plus précise jamais faite, du champ magnétique de notre Voie Lactée », explique Muriel Saccoccio, ce qui « permet de voir comment il est organisé ».
Ceci permettra aux scientifiques de réfléchir au rôle de ce champ magnétique dans la structuration des galaxies.

La nacelle Pilot lors d'un essai au sol de nuit, préparatoire à son vol en Australie. Crédit: Sébastien Chastanet - OMP/ORAP/UT3/CNES/CNRS

La nacelle Pilot lors d’un essai au sol de nuit, préparatoire à son vol en Australie. Crédit: Sébastien Chastanet – OMP/ORAP/UT3/CNES/CNRS

L’instrument de PILOT est constitué notamment d’un miroir primaire d’un mètre de diamètre et d’un photomètre comportant une optique froide. Il a été mis au point par l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP) à Toulouse, avec la contribution de l’Institut d’Astrophysique spatiale (IAS) et du Commissariat à l’Energie atomique (CEA) en France, et des universités de Rome et de Cardiff en Europe.

Les scientifiques du projet souhaitent désormais réaliser une troisième campagne, à nouveau dans l’hémisphère nord, pour approfondir leur première observation de plusieurs cibles astrophysiques.
Ce troisième vol sera fait avec un instrument et une stratégie d’observation encore meilleurs grâce à l’expérience acquise lors des vols précédents et des améliorations effectuées par les ingénieurs entre deux vols stratosphériques.

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