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Rosetta : des ingrédients de la vie sur la comète 67P
Publié le 06 juin 2016
La sonde Rosetta de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) a détecté la présence de glycine et de phosphore dans la chevelure de la comète 67P. Ces molécules sont respectivement un acide aminé et l’un des constituants de l’ADN.
De toute évidence, nous savons que la vie est apparue sur Terre… sinon nous ne serions pas là pour en parler ! En revanche, les mécanismes à l’œuvre restent à comprendre. L’une des possibilités est que les astéroïdes et comètes aient amené certains des éléments chimiques nécessaires lorsqu’ils «bombardaient» notre planète après sa formation. Depuis le mois d’août 2014, la sonde Rosetta de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) est devenue le premier engin qui orbite autour d’un noyau cométaire (67P/Churyomov-Gerasimenko), permettant une étude prolongée de ces astres vagabonds qui jusque-là n’avaient été scrutés qu’avec des télescopes et à l’occasion de survols rapides. À la fin du mois de mai 2016, les responsables scientifiques de la mission ont confirmé que l’instrument ROSINA (Rosetta Orbiter Spectrometer for Ion and Neutral Analysis*) de Rosetta avait détecté de la glycine et du phosphore. Deux éléments importants qui peuvent être considérés comme des briques de base pour la chimie du vivant.
Rosetta trouve un acide aminé et une brique de l’ADN
Plus exactement, la glycine est un acide aminé, très simple certes, mais il fait partie de cette famille de molécules qui jouent un rôle essentiel dans les mécanismes chimiques du vivant (la glycine est par exemple très présente dans les protéines). Le phosphore de son côté a plusieurs rôles, mais c’est celui de constituant (avec d’autres) de l’ADN qui intéresse ici les scientifiques. Bien évidemment, il ne suffit pas que de telles molécules soient là pour que la vie émerge, mais sans elles, le puzzle s’avère incomplet.
Que l’instrument ROSINA de Rosetta trouve de la glycine et du phosphore va dans le sens de précédentes détections similaires, notamment celle de la glycine par la sonde américaine Stardust. Celle-ci avait survolé la comète Wild 2 en 2004 et capturé quelques poussières de la chevelure avant de les envoyer sur Terre à l’aide d’une petite capsule éjectable en 2006. Toutefois, la présence de glycine pouvait s’expliquer par une contamination terrestre des échantillons (mauvaise manipulation ou dispositif de capture des poussières cométaires qui n’aurait pas été suffisamment «nettoyé» avant le départ). En revanche, ayant accompli de multiples mesures «sur place» (ce qui écarte le risque de contamination) en analysant la chevelure de 67P, Rosetta confirme que les comètes contiennent cet acide aminé.
Voilà qui va dans le sens d’un scénario selon lequel les éléments chimiques nécessaires à l’éclosion du vivant ont été amenés (au moins en partie) par les comètes qui entraient en collision avec notre planète. De tels impacts étaient plus fréquents aux débuts du Système solaire.
La vie sur Terre et aussi beaucoup plus loin
Si Rosetta permet ainsi aux scientifiques de mieux comprendre l’apparition de la vie sur Terre, elle donne aussi des indices concernant les exoplanètes, ces planètes qui tournent autour d’autres soleils que le nôtre. Sur les plus de 3200 exoplanètes répertoriées (dont 1284 mondes récemment trouvés par le télescope spatial Kepler de la NASA), 21 orbitent en zone dite habitable de leur étoile. Soit ni trop près (trop chaud), ni trop loin (trop froid), pour que l’eau liquide existe à leur surface si d’autres conditions sont réunies. Or Rosetta confirme que les comètes contiennent des éléments nécessaires au vivant, éléments probablement issus des nuages de gaz qui donnent naissance à des étoiles. Et vu que la présence de comètes autour d’autres étoiles a été plusieurs fois démontrée, on peut très raisonnablement avancer que notre Système solaire n’est pas une exception. Ailleurs, cette «recette» qui amène des briques de base de la vie est donc peut-être à l’œuvre.
(*) Spectromètre de l’orbiteur Rosetta pour l’analyse des ions