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Disparition de Katherine Johnson

Publié le 25 février 2020

Cette mathématicienne afro-américaine qui calcula les trajectoires des premiers vols habités américains nous a quittés le 24 février à l’âge de 101 ans. La NASA lui avait rendu hommage en 2017 en baptisant de son nom un complexe du centre Langley.

Disparition de Katherine Johnson

Née Katherine Coleman le 26 août 1918 en Virginie-Occidentale aux États-Unis, cette fille d’un bûcheron et d’une enseignante montra rapidement un talent pour le calcul. Dans une Amérique marquée par la ségrégation, elle décrocha toutefois les diplômes qui lui ouvriront les portes de la NACA, l’ancêtre de la NASA où son travail mathématique s’avérera essentiel pour les vols habités. Le 24 février, l’administrateur de la NASA Jim Bridenstine exprimait «la profonde tristesse» de l’agence à l’annonce du décès de Katherine Johnson (le nom de famille de son second mari), saluant celle qui «ouvrit des portes pour les femmes et les personnes de couleur dans la quête universelle de l’humanité pour explorer l’espace».

Au cœur des calculs des vols spatiaux

Particulièrement douée, Katherine Johnson intégra l’université d’État de Virginie-Occidentale à l’âge de 14 ans. Quatre ans plus tard en 1937, la ségrégation lui interdisant d’exercer pleinement les capacités que lui donnaient ses diplômes en mathématiques et français, elle se tourna vers l’enseignement. En 1952, elle apprit que l’ancêtre de la NASA, la NACA (National Advisory Committee for Aeronautics), recrutait pour son centre de Langley ce qu’on appelait des calculateurs humains. Des postes ouverts aux femmes mêmes de couleur. Et lorsque la NASA releva pour les États-Unis le défi de la course à l’espace, le professionnalisme de Katherine Johnson l’amena à travailler sur le calcul des trajectoires des premiers vols habités américains, notamment celui suborbital d’Alan Shepard (Freedom 7 en 1961) et l’orbital de John Glenn (Friendship 7 en 1962). Elle s’occupa aussi du délicat rendez-vous autour de la Lune pour Apollo 11 en 1969.

Katherine Johnson à son bureau du centre Langley de la NASA en Virginie. Elle y travailla de 1953 jusqu’à sa retraite en 1986. Crédit : NASA

Katherine Johnson à son bureau du centre Langley de la NASA en Virginie. Elle y travailla de 1953 jusqu’à sa retraite en 1986.
Crédit : NASA

C’est pour le vol Friendship 7 qu’une anecdote fit entrer la mathématicienne dans l’histoire. L’astronaute qui allait devenir le premier Américain sur orbite n’avait qu’une confiance limitée dans le nouvel outil de calcul de l’agence, à savoir l’ordinateur. John Glenn exigea une vérification des chiffres par Katherine Johnson déclarant selon les souvenirs de cette dernière que «si elle dit qu’ils sont bons, alors je suis prêt à y aller». Un haut fait au regard de la complexité de la tâche qui est le point d’orgue du film Les Figures de l’Ombre de 2017. La Cité de l’espace de Toulouse avait d’ailleurs organisé une avant-première de cette production cinématographique qui permettait au grand public de découvrir un aspect souvent négligé de l’astronautique, à savoir l’importance du support au sol et le rôle joué par les femmes et les personnes de couleur. À cette occasion, l’historien en chef de la NASA Bill Barry avait été interviewé (vidéo ci-dessous).

Des hommages significatifs dès 1971

À l’époque de la sortie du film de Théodore Melfi, Katherine Johnson était en vie. Les Figures de l’Ombre ayant été nominé aux Oscars dans 3 catégories dont celle du meilleur film, la mathématicienne fut honorée lors de la cérémonie : 3 actrices de cette production présentèrent sur scène Katherine Johnson. La salle entière se leva alors pour l’applaudir.

On notera que les 3 actrices sont Janelle Monae, Taraji Henson et Octavia Spencer qui incarnent certaines figures de l’ombre du film. Taraji Henson interprétait la mathématicienne. La personne qui amène Katherine Johnson en chaise roulante est l’astronaute de la NASA Yvonne Cagle (elle ne vola jamais, mais occupa des fonctions de direction).
Cependant, Katherine Johnson fut honorée à plusieurs reprises bien avant cette cérémonie des Oscars. De 1971 à 1986, elle reçut 5 fois la distinction Special Achievement du centre Langley où elle travaillait. Elle obtint aussi un doctorat honoris causa de plusieurs universités. En 2015, le président Obama lui décerna la Médaille Présidentielle de la Liberté. 2 ans plus tard, le centre Langley de la NASA inaugura le Katherine Johnson Computational Research Facility, un complexe hébergeant le stockage informatique des données.

Katherine Johnson à la cérémonie d’ouverture du complexe portant son nom au centre Langley de la NASA. Comme aux Oscars, elle est escortée par Yvonne Cagle. Crédit : NASA/David C. Bowman

Katherine Johnson à la cérémonie d’ouverture du complexe portant son nom au centre Langley de la NASA. Comme aux Oscars, elle est escortée par Yvonne Cagle.
Crédit : NASA/David C. Bowman

En 2019, Katherine Johnson reçut la Médaille du Congrès. Avec celle accordée par la Maison-Blanche, il s’agit là de la plus haute distinction civile des États-Unis. Toujours en 2019, la NASA honora la mathématicienne une nouvelle fois en rebaptisant Katherine Johnson Independent Verification & Validation (IV&V) Program, un bâtiment en Virginie créé en 1993 et dédié aux vérifications indépendantes des programmes de l’agence. Un geste symbolique fort quand on se souvient de la tâche cruciale effectuée pour le vol de John Glenn.

Katherine Johnson en 2011 avec l’astronaute Leland Melvin. Crédit : Collection personnelle de Katherine Johnson

Katherine Johnson en 2011 avec l’astronaute Leland Melvin.
Crédit : Collection personnelle de Katherine Johnson

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