• Histoire
  • Vols habités

Il y a 50 ans, Apollo 14

Publié le 05 février 2021

Déjà un demi-siècle ! Avec Apollo 14, la NASA devait démontrer début 1971 qu’elle savait toujours aller sur notre satellite naturel après Apollo 13. Le commandant Alan Shepard devint le plus vieil homme sur la Lune à 47 ans. Le record tient toujours…

Il y a 50 ans, Apollo 14

En avril 1970, la NASA avait bien failli perdre les 3 astronautes d’Apollo 13 suite à l’explosion d’un réservoir d’oxygène sur la route vers la Lune. La mobilisation des équipes au sol et le sang-froid de l’équipage aboutirent à un épilogue heureux. L’agence américaine mit 9 mois (ce qui est relativement court d’ailleurs) pour identifier la cause de la défaillance (un thermostat altéré lors d’un essai au sol) et modifier les équipements. En janvier 1971, voici 50 ans, tout était prêt pour retourner sur notre satellite naturel.

Un équipage de «rookies»

À l’époque, la Maison-Blanche avec Richard Nixon comme président n’affichait plus un fort soutien pour le programme lunaire. Il était clair que si Apollo 14 ne renouait pas avec le succès, les missions suivantes risquaient l’annulation. En dépit de cet enjeu, l’équipage d’Apollo 14 apparaissait (toutes proportions gardées) peu expérimenté. Le pilote du Module de Commande Kitty Hawk Stuart Roosa (37 ans) et celui du Module Lunaire Antares Ed Mitchell (40 ans) étaient certes des pilotes d’essai militaires, mais ils n’avaient jamais été dans l’espace. Leur commandant, Alan Shepard (47 ans) affichait en plus d’un CV comparable de pilote d’essai (Navy) le statut prestigieux de premier Américain dans l’espace.

L’équipage d’Apollo 14. De gauche à droite : Ed Mitchell, Alan Shepard et Stuart Roosa. Crédit : NASA

L’équipage d’Apollo 14. De gauche à droite : Ed Mitchell, Alan Shepard et Stuart Roosa.
Crédit : NASA

Seulement voilà, le vol historique d’Alan Shepard lors du programme Mercury était de nature suborbitale. Il monta à 187,5 km d’altitude en 1961 avant de revenir amerrir sans avoir été mis sur orbite. Le futur commandant d’Apollo 14 ne possédait donc aucune expérience pratique du vol orbital ou de missions spatiales de plusieurs jours. De plus, une maladie de l’oreille interne l’avait écarté des vols pendant plusieurs années. Au final, l’équipage était souvent montré comme constitué de «rookies», l’argot pour désigner des «bleus». Du coup, pourquoi ce trio pour cette mission ? En fait, la composition de cet équipage avait été fixée avant Apollo 13 dès août 1969. Au final, l’accident de ce vol donna plus de temps à Roosa, Mitchell et Shepard pour s’entraîner.

Des imprévus pour un succès

50 ans plus tard, la NASA célèbre le demi-siècle de cette mission décisive pour la poursuite de son programme Apollo avec la vidéo ci-dessous.

L’historien de la NASA Brian Odom rappelle au cours de cette vidéo que des imprévus techniques se dressèrent comme autant d’obstacles pour atteindre notre satellite naturel. Après le décollage du 31 janvier 1971, et au cours du trajet vers la Lune, l’amarrage obligatoire entre le Module de Commande et le Module Lunaire demanda plusieurs essais alors que la quantité de carburant dédiée à la manœuvre commençait à atteindre un niveau critique. Alan Shepard finit par ordonner au pilote Stuart Roosa : «Oublie les économies de carburant. Ce coup-ci met le jus !» Avec un peu plus de vitesse, le mariage entre les deux vaisseaux fut couronné de succès à la sixième tentative.

Décollage d’Apollo 14 le 31 janvier 1971. Crédit : NASA

Décollage d’Apollo 14 le 31 janvier 1971.
Crédit : NASA

Le 5 février, Alan Shepard et Ed Mitchell entamèrent leur descente vers la région de Fra Mauro. Stuart Roosa, lui, tournait en solitaire autour de la Lune dans le Module de Commande.
Dans le Module Lunaire Antares, Shepard et Mitchell affrontèrent deux problèmes successifs. Tout d’abord, le bouton rouge d’abandon s’allumait alors qu’ils ne l’avaient pas sollicité. Au sol, on diagnostiqua un faux contact causé par un débris métallique. L’équipe informatique écrivit une modification du logiciel de bord pour ignorer le problème tout en laissant la possibilité d’y recourir si le besoin se présentait. C’est Ed Mitchell qui entra manuellement les nouvelles instructions. Ce n’était pas fini… En pleine descente propulsée, le radar d’atterrissage refusa de se verrouiller. Les données qu’il fournissait étaient considérées indispensables à l’ordinateur de bord. Houston suggéra d’agir de façon répétée sur le fusible ! «Ça marche avec mon grille-pain» remarqua un Alan Shepard contrarié. L’astuce paya. Sans cela, l’abandon aurait été décidé. Le commandant se posa à 53 m de la cible. C’est toujours l’alunissage piloté le plus précis. Et lorsqu’Alan Shepard posa le pied au bas du Module Lunaire Antares il devint à 47 ans le plus vieil homme sur la Lune. Le record tient toujours en 2021 !

Alan Shepard, cinquième marcheur lunaire et plus vieil homme sur la Lune. Crédit : NASA

Alan Shepard, cinquième marcheur lunaire et plus vieil homme sur la Lune.
Crédit : NASA

Les 5 et 6 février, Ed Mitchell et Alan Shepard accomplirent deux sorties en scaphandre de 4 heures et 47 minutes puis de 4 heures et 34 minutes. La première fut consacrée à l’installation d’appareils scientifiques et à la cérémonie du drapeau. La seconde consista à partir explorer le bord du cratère Cone. Se repérer dans un paysage lunaire ne présentant pas les habituels repères terrestres se révéla difficile. En dépit de la récolte d’échantillons, les deux astronautes repartirent vers Antares sans avoir atteint le bord du cratère. Des clichés de la sonde Lunar Reconnaissance Orbiter acquis en 2011 montrèrent qu’ils étaient passés à une trentaine de mètres seulement du but de leur marche.

Ed Mitchell sur la Lune, en train d’installer une caméra. Crédit : NASA

Ed Mitchell sur la Lune, en train d’installer une caméra.
Crédit : NASA

Pour conclure cette sortie, Alan Shepard plaça la tête d’un fer 6 de golf au bout d’une perche de collecte d’échantillons et accomplit quelques swings. Une balle partit selon lui à des miles et des miles, en fait à quelques dizaines de mètres. Ed Mitchell continua cet intermède sportif en expédiant une tige tel un javelot avec une performance similaire.

Le Module Lunaire Antares d’Apollo 14. Dans ses jardins, la Cité de l'espace de Toulouse expose une réplique taille réelle d'un Module Lunaire Apollo. Crédit : NASA

Le Module Lunaire Antares d’Apollo 14. Dans ses jardins, la Cité de l’espace de Toulouse expose une réplique taille réelle d’un Module Lunaire Apollo.
Crédit : NASA

Des arbres venus de la Lune

Ed Mitchell et Alan Shepard décollèrent de Fra Mauro le 6 février pour retrouver leur collègue Stuart Roosa et entamer le voyage de retour. L’amerrissage dans l’océan Pacifique conclut la mission le 9 février 1971.

L’amerrissage d’Apollo 14 le 9 février 1971. Crédit : NASA

L’amerrissage d’Apollo 14 le 9 février 1971.
Crédit : NASA

Le trio d’Apollo 14 n’est désormais plus de ce monde. Stuart Rossa nous quitta en 1994, Alan Shepard en 1998 et Ed Mitchell en 2016. Leur mission sélène rapporta 42,8 kg d’échantillons. Et à l’initiative de Stuart Roosa environ 500 graines d’arbres qui firent ainsi le tour de notre satellite naturel. Plantées en divers endroits sur Terre, elles ont donné ce qu’on appelle les Moon Trees, les arbres de la Lune. La liste de ces témoins originaux d’Apollo 14 est sur cette page web de la NASA.

Articles sur le même thème

La Cité de l’espace en ligne

Nos ressources et actualités spatiales