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La Chine spatiale : un appétit de dragon
Publié le 04 octobre 2020
Le grand rêve chinois de devenir une puissance spatiale de premier plan est en train de se réaliser, a relevé Michel Blanc, astronome émérite à l’IRAP (Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie), lors d’une conférence organisée le 30 septembre à la Cité par l’association Les Amis de la Cité de l’espace sur le thème Le programme spatial chinois : ambitions, réalisations et perspectives.
L’an dernier, un tiers (34) des lancements spatiaux ont eu lieu à partir de la Chine, qui a ainsi devancé la Russie (25) et les États-Unis (21) pour la seconde année consécutive. Elle en prévoit « plus de 40 » pour cette année, selon la Société de Sciences et technologies aérospatiales de Chine (CASC). Ses satellites servent les télécommunications (système Tiantong..), l’observation de la Terre (série Gaofen…), la météorologie (satellites Feng Yun), la navigation (système Beidou), le militaire… Enfin, Pékin est présent dans les secteurs des vols habités, de la science, de l’exploration planétaire.
Recherche et Développement : une priorité
Depuis le début des années 2000, a expliqué Michel Blanc devant un large auditoire, Pékin a fait « un effort colossal en Recherche et Développement« , rattrapant presque les États-Unis dans ce domaine. « Un investissement dont elle a fait le moteur de son développement en général », a-t-il souligné.
Du coup, la Chine est devenue le troisième pays à maîtriser tous les secteurs de la conquête spatiale : les lanceurs, les satellites, les vols habités, les rendez-vous spatiaux, les laboratoires de l’espace, la conquête de la Lune, et peut-être bientôt de Mars avec la sonde Tianwen-1 qui atteindra la planète en 2021.
L’Agence spatiale nationale chinoise (CNSA) a brûlé les étapes ces dernières années pour rattraper États-Unis et Russie dans tous ces domaines : lancement de leur premier satellite en 1970, premier taïkonaute dans l’espace en 2003, première petite station spatiale en 2011 (Tiangong 1), première mise sur orbite autour de la Lune en 2007 (Chang’e-1), premier atterrissage sur notre satellite naturel en 2013 (Chang’e-3 et son robot Yutu). Avec pour point d’orgue, en 2019, le succès de Chang’e-4, première sonde à se poser sur la face cachée de la Lune.
Les lanceurs Longue Marche
La colonne vertébrale qui soutient ce programme est la famille de lanceurs Longue Marche, ou Chang Zheng, déclinée en plusieurs versions capables de desservir différentes orbites, et de transporter des masses très diverses.
Les dernières versions peuvent emporter des charges utiles de plusieurs tonnes : 14 tonnes sur orbite géostationnaire (GTO) pour le Longue Marche 5 (Chang Zheng 5, ou CZ 5), et jusqu’à 25 tonnes en orbite terrestre basse (LEO) pour la version CZ 5B. Ce qui permettra notamment à la Chine d’acheminer les modules pour assembler sa future station spatiale.
Une version lourde, la CZ 9, qui permettra d’envoyer des hommes sur la Lune, est en cours de développement.
Les vols habités : objectif Lune
Les vols habités tiennent une place importante dans le programme spatial chinois. D’ores et déjà, 11 taïkonautes ont effectué des missions, occupant notamment pour des séjours courts deux prototypes de station spatiale, Tiangong 1 (2011) et Tiangong 2 (2016), tous deux désorbités après quelques années. La future station spatiale, formée de trois modules d’une masse de quelque 60 tonnes et qui sera occupée de façon permanente par un équipage de 3 taïkonautes, pourrait être assemblée en 2022. La Chine dispose déjà du vaisseau ravitailleur, Tianzhou, et d’une capsule de transport des équipages, Shenzhou.
Par ailleurs, au travers de son Programme d’exploration lunaire chinois (CLEP), Pékin vise à « poser les bases d’une base permanente sur la Lune« , robotique au début, puis avec une présence humaine, a noté Michel Blanc. Auparavant, la CNSA projette une mission très complexe de retour d’échantillons lunaires. La France participera quant à elle à la mission Chang’e-6, avec l’instrument DORN mis au point par l’IRAP pour étudier les gaz volatiles.
Les coopérations
La coopération avec la France ne s’arrête pas là puisque le CNES (instrument SWIM) partage avec la Chine le satellite CFOSAT lancé en 2018 et chargé du suivi des vents et des vagues à la surface des océans. Il sera également à bord de la mission SVOM (Space-based multi-band astronomical Variable Objects Monitor) consacrée à l’étude des plus lointaines explosions d’étoiles, les sursauts gamma. L’instrument Cardiospace mis au point par le CNES a pour sa part volé à bord de la station TianGong-2 pour étudier l’adaptation du système cardiovasculaire à la microgravité.
L’agence spatiale européenne (ESA), enfin, est associée à l’Académie chinoise des sciences pour la future mission SMILE (Solar wind Magnetosphere Ionosphere Link Explorer) d’étude des interactions entre la magnétosphère et le vent solaire.
Enfin, les ambitions chinoises se projettent vers la ceinture d’astéroïdes, Jupiter ou l’espace interstellaire. Mais dès 2021, « la Chine entrerait vraiment dans la cour des grands du spatial » si la mission martienne Tianwen -1 était une réussite en cumulant un orbiteur, un atterrisseur et un robot mobile, note Michel Blanc.