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Le télescope spatial James Webb perce le cœur d’Orion

Publié le 05 octobre 2023

Observant dans l’infrarouge, le télescope spatial James Webb peut voir «à travers» les nuages de gaz de la nébuleuse d’Orion et nous offre un portrait saisissant de son coeur où se forment de nouvelles étoiles.

Le télescope spatial James Webb perce le cœur d’Orion

Le James Webb Space Telescope (JWST), ou plus simplement le Webb, est le plus grand observatoire astronomique envoyé dans l’espace. Son miroir de 6,5 m constitué 18 hexagones de 1,32 m de large est tellement inhabituel qu’il a décollé plié en 3 sections sous la coiffe d’Ariane 5 le 25 décembre 2021 ! Le Webb associe la NASA, l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et l’Agence Spatiale Canadienne (ASC).
Les premières images, autres que de calibration et réglage, de cette machine à scruter le cosmos ont été dévoilées au mois de juillet 2022. Depuis, le Webb observe des zones précises de la voûte céleste sélectionnées par les scientifiques pour leur intérêt. Et parmi ces «cibles», la nébuleuse d’Orion se distingue comme une extraordinaire opportunité d’épier la façon dont se forment les étoiles.

Le cœur d’Orion en infrarouge

Dès le départ, le Webb a été conçu pour l’infrarouge. Cette longueur d’onde que nos yeux ne voient pas apporte des informations cruciales pour les astronomes. Elle permet plus aisément d’analyser par spectroscopie l’atmosphère des exoplanètes, ces mondes autour d’autres soleils que le nôtre (voir l’exemple récent de K2-18b), de comprendre la formation des premières galaxies peu de temps après le Big Bang (leur lumière a été décalée dans l’infrarouge par l’expansion de l’univers) ou encore d’accéder à ce qui cache derrière des nuages de gaz. Ceci, car l’infrarouge «passe» au travers de tels obstacles, là où le visible est stoppé.
En sa qualité de vaste zone de formation d’étoiles située à 1340 années-lumière de nous, la nébuleuse d’Orion (qui doit son nom à la constellation dans laquelle elle se trouve) cache une grande partie de son activité de pépinière stellaire derrière de gigantesques nuages de gaz et de poussière. Ce n’est bien évidemment pas la première fois qu’un télescope (visible ou infrarouge) est tourné vers cet objet pour l’étudier. Mais les capacités infrarouges du Webb ont permis cette fois-ci de plonger au cœur de la nébuleuse, ce qu’on appelle aussi le Trapèze, un petit amas dont les 5 étoiles jeunes les plus brillantes s’avèrent 15 à 30 fois plus massives que notre Soleil.

Ces 5 étoiles du Trapèze sont regroupées dans un volume de seulement 1,5 année-lumière de large ! À titre de comparaison, Proxima Centauri, l’étoile la plus proche du Soleil, est à 4 années-lumière. La nébuleuse d’Orion héberge même 20 étoiles dans un espace de 20 années-lumière. Notre astre du jour est né dans un environnement similaire voici plus de 4,5 milliards d’années. Étudier une nébuleuse comme Orion revient donc à mieux comprendre la formation du Système solaire.

Deux versions du cœur de la nébuleuse d’Orion par le James Webb Space Telescope obtenues avec son instrument NIRCam (Near InfraRed Camera).
En haut, une image en infrarouge dit «court» (longueur d’onde de 0,6 à 2,3 micromètres) qui offre les détails les plus fins.
En bas, la version en infrarouge «long» (2,4 à 5 micromètres) révèle selon l’ESA un «réseau complexe de poussières et de composés organiques appelés hydrocarbures aromatiques polycycliques». De telles molécules sont des briques de base pour la chimie complexe exigée par le vivant.
Les deux images couvrent la même zone de 4 années-lumière de large par 2,75 années-lumière de hauteur. Proche du centre, on note les étoiles du Trapèze.
© Cité de l’espace d’après NASA, ESA, CSA / Science leads and image processing: M. McCaughrean, S. Pearson

La nébuleuse d’Orion photographiée avec un instrument amateur, l’astrographe Stellina (lunette de 80 mm équipée d’une monture automatique et d’un capteur CCD).
© Olivier Sanguy

Un peu de repérage

Si les performances infrarouges du Webb sont saluées par la communauté scientifique, il peut parfois être difficile de comprendre ce que l’on voit, justement en raison de la longueur d’onde particulière dans laquelle travaillent ses instruments.
Surtout que la nébuleuse d’Orion (cataloguée M42 ou NGC 1976) est à la fois un grand classique du ciel d’hiver pour les astronomes amateurs et un objet céleste maintes fois vulgarisé auprès du grand public via des photos d’observatoires professionnels y compris Hubble.
Dans un télescope amateur, Orion ne montre pas de couleurs à l’œil nu ni toute son étendue, mais des caméras même modestes révèlent déjà la forme générale de cette pépinière d’étoiles.

Pour faire un peu de repérage, nous nous proposons dans le schéma ci-dessous, de partir de la constellation d’Orion, bien connue pour son emblématique forme en «nœud papillon». La nébuleuse se trouve sous un groupe de 3 étoiles (Alnitak, Alnilam et Mintaka) surnommées la Ceinture d’Orion.

Zoom progressif en partant du ciel avec la constellation d’Orion obtenu via le logiciel Stellarium pour montrer la nébuleuse photographiée par le télescope Hubble et enfin la portion scrutée en infrarouge par le Webb. Qualifiée de «vue grand-angle» par l’ESA, l’image du Webb se centre toutefois sur une partie bien précise de cette zone où naissent des étoiles.
© Cité de l’espace d’après Stellarium/Hubble/Webb

Et maintenant, un régal pour les yeux avec les deux versions infrarouges «pleine largeur» du coeur de la nébuleuse d’Orion par le Webb.

Autour du Trapèze de la nébuleuse d’Orion avec le James Webb Space Telescope. Instrument NIRCam (Near InfraRed Camera) en infrarouge dit «court».
© NASA, ESA, CSA / Science leads and image processing: M. McCaughrean, S. Pearson

Autour du Trapèze de la nébuleuse d’Orion avec le James Webb Space Telescope. Instrument NIRCam (Near InfraRed Camera) en infrarouge dit «long».
© NASA, ESA, CSA / Science leads and image processing: M. McCaughrean, S. Pearson

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