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Episode 2 – La Lune, comment y retourner ?

Dans “L’étape lunaire”, la deuxième saison du podcast original “Mars, la nouvelle odyssée”, Olivier Emond et ses invités proposent un voyage vers la Lune, vue comme un centre d’entraînement à l’épopée martienne. Dans cet épisode 2 : par quels moyens se rend-t-on sur la Lune ? Avec Nathalie Girard, experte sur les questions de lanceurs au CNES, le Centre national d'études spatiales.

Avec quel moyen retourner sur la Lune ? Pourquoi créer un nouveau lanceur et pas la Saturn V qui a fait ses preuves lors du programme Apollo ? Dans cet épisode, Nathalie Girard, experte sur les questions des lanceurs du CNES, le Centre national d’études spatiales, revient sur le fonctionnement d’une fusée, sur les programmes qui prévoient de retourner sur la Lune et sur le déroulé des opérations prévu pour les premières missions Artemis. 

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La fusée Saturn V, le 16 juillet 1969, a décollé du Kennedy Space Center avec à son bord Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins. @NASA

Pourquoi une nouvelle fusée ?

La fusée Saturn V n’est plus adaptée aux missions Artemis

De 1969 à 1972, la fusée Saturn V a permis à 12 astronautes de poser le pied sur la Lune. Aujourd’hui, les technologies ont évolué et les objectifs du programme Artemis ne sont pas les mêmes. Aussi, on n’envisage pas de réutiliser la fusée Saturn V. Les Etats-Unis ont fait le choix de développer la fusée SLS (pour Space Launch System) qui utilise de nombreux tronçons du booster de la navette américaine. Haut de 110m, le SLS est deux fois plus grand et même trois fois plus lourd qu’une fusée Ariane 5. La fusée européenne Ariane 5 pesait un peu moins de 1000 t au décollage. Le SLS , lui a une masse au décollage de 2700 t. Mais entre les deux lanceurs, le cahier des charges est très différent.

Pas le même usage

Ariane 5, était capable d’envoyer une dizaine de tonnes en orbite géostationnaire, soit à 36000 km. Dans le cas d’un voyage vers la Lune, il s’agit d’aller dix fois plus loin à près de 400000 km et emmener le nécessaire pour la survie d’un équipage. Eventuellement, ce qu’il faut pour le faire atterrir. Le SLS n’aura pas d’atterrisseur embarqué mais va emmener 4 astronautes, là où une capsule Apollo n’en emmenait que 3. Il devra également contenir un module de service conçu par l’Agence spatiale européenne (ESA). Au total, la fusée doit être capable d’emporter une trentaine de tonnes.

Des fusées toujours plus puissantes ? 

Des lanceurs mais pour faire quoi ?

Quand on conçoit une fusée, on réfléchit d’abord à ce qu’on veut faire avec. « On n’a pas envisagé de faire des fusées de 200m de haut« , précise Nathalie Girard, ingénieure au CNES et experte en propulsion liquide. « Sur ce type de lanceurs on est à la limite de toutes les technologies qu’on utilise en terme de résistance de matériaux de température. » Sur un Starship – le vaisseau imaginé par SpaceX et propulsé » par le booster Super Heavy – il y a 33 moteurs. « Les faire fonctionner de concert c’est très difficile« , explique-t-elle. « C’est d’ailleurs ce qui avait tué la fusée N-1, la concurrente russe du programme Apollo. Elle n’a jamais réussi à fonctionner correctement. Et c’est en partie à cause de cette baie de 36 moteurs qui était très difficile à faire fonctionner.« 

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Test de mise à feu statique d’un booster Super Heavy utilisé pour le Starship de SpaceX.
@SpaceX

Une fusée reste un système très complexe.

« Le plus complexe et le plus puissant en terme de de densité de puissance rentrée à l’intérieur d’un même objet« , résume Nathalie Girard. Le SLS, c’est l’équivalent de 34 boeing 747 qui vont décoller en même temps. Un tiers d’une tour Eiffel qu’il faut faire décoller. « Rien que dans une turbo-pompe de moteur Vulcain, le moteur central d’une fusée Ariane, on a l’équivalent de la puissance de deux TGV qui tient dans une boîte à chaussure.« 

Penser chaque kilo en plus

La contrainte, pour les concepteurs c’est que toute masse ajoutée sur la fusée, diminue d’autant la masse maximale de charge utile qui peut être embarquée. Chaque kilo doit donc est pensé. Et il faut utiliser les matériaux les plus résistants et les plus légers possibles. Or, depuis 50 ans, les ingénieurs ont travaillé sur les matériaux, les ont amélioré, mais il n’y a pas eu de vraie révolution.

La maquette présentée dans le Hall de préparation du LuneXplorer de la Cité de l’espace à Toulouse permet de comprendre la structure d’un tel lanceur. Le réservoir d’hydrogène est placé en dessous. du réservoir d’oxygène liquide. Deux boosters à poudre permettent de générer une forte poussée au décollage. Le vaisseau Orion est placé tout en haut de la fusée.
@NASA

Toujours les mêmes carburants

Les lanceurs qui envisagent de rejoindre la Lune utilisent toujours les mêmes couples d’ergols.

Le plus complexe reste d’arracher un lanceur de l’attraction terrestre et de traverser l’atmosphère. Pour aller sur la Lune comme pour atteindre l’orbite, il y a toujours 3 ou 4 couples d’ergols qui peuvent être utilisés :

  1. Oxygène / Hydrogène, c’est le couple le plus performant (c’est ce qui est utilisé dans le corps central d’Ariane 5 et du SLS). Ils sont flanqués de deux boosters à poudre. Des ergols solides qui ressemble à une gomme que l’on fait brûler et qui va générer beaucoup de poussée pour pouvoir décoller. 
  2. Le Starship utilise lui de l’Oxygène  et du Méthane
  3. La Saturn V est basé sur un couple Oxygène Kérozène

« On a peu évolué sur ces questions. Depuis le début de la conquête spatiale on utilise les même couples d’ergols« , explique l’ingénieure du CNES.
« On les maîtrise mieux mais il n’y a pas de révolution. Ce sont le smême technologies que ce qu’on faisait il y a 50 ou 70 ans.« 

La structure du lanceur, aussi, reste la même

Dans son design, un lanceur conserve toujours la même structure. »C’est toujours un cône avec un vaisseau au sommet« , décrit Nathalie Girard. Lorsqu’on sort de l’atmosphère, un bouclier thermique est nécessaire et la structure conique propose une surface que l’on va présenter à l’atmosphère qui va protéger les astronautes dans leur capsule. La forme de la capsule prévue dans Apollo a fait ses preuves et donc elle est réutilisée. Ce sont plusieurs milliers de degrés auxquels sont confrontés les capsules.

Partout des fusées pour la Lune

La Chine, l’Inde ont des programmes lunaires

La Chine a un programme lunaire avec une fusée, la Long March 9 qui a beaucoup évolué. Dans sa dernière configuration, elle ressemble, désormais, beaucoup à un Starship. Elle sera propulsé par un mélange d’oxygène liquide et de méthane, alors qu’initialement ils prévoyaient des moteurs au kérozène.
L’Inde s’intéresse aussi à la Lune et envoie des sondes ou des rovers. La Corée aussi a utilisé un Falcon 9 pour placer un orbiteur autour de la Lune. « Ce sont des mission robotisées avec de tous petits modules ou faire le tour de la Lune« , détaille Nathalie Girard. » Mais de gros programmes avec l’ambition d’y installer un habitat durable ou d’y avoir une station permanente, il n’y a guère que la Chine et les Etats Unis.

La dernière version de la fusée chinoise Long March 9 ressemble beaucoup à la structure du Starship de SpaceX.
@CNSA

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Un déroulé des opérations complexe

L’équipage devra passer de la capsule Orion au HLS

La mission Artemis III telle qu’elle est présentée par la NASA prévoit que la capsule Orion fasse un stop autour de la Lune et, qu’ensuite, un autre engin fait la liaison vers le sol lunaire. En 2020 – 2021 la NASA a consulté des entreprises pour concevoir le HLS, (Human Landing System) qui va permettre de faire cette dernière jonction jusqu’au sol. « Il manquait ce maillon de descente sur la Lune » , précise Nathalie Girard. « A terme, les astronautes devraient s’amarrer à la Gateway, la station en orbite autour de notre satellite. » Ce déroulé des opérations ressemble à ce qui était prévu lors du programme Apollo. C’est déjà ce qui était prévu lors du programme Apollo. En 1962, la NASA a opté pour la solution du LOR (Lunar Orbital Rendez-vous) qui prévoyait qu’une seule fusée envoie deux sous-ensemble qui se séparent une fois l’orbite lunaire atteinte. La Saturn V plaçait donc une capsule en orbite lunaire. La capsule Apollo rejoignait le Lunar Module qui lui permettait de descendre sur la Lune et de remonter dans la capsule Apollo avant de rentrer sur Terre.

 

Pour Artemis III, un Starship en configuration HLS sera envoyé en orbite lunaire après avoir été ravitaillé en carburant en orbite terrestre. L’équipage se rendra en orbite lunaire via le SLS et la capsule Orion. Les astronautes pénètreront dans le HLS pour alunir. Le HLS décollera de la Lune et l’équipage retournera dans la capsule Orion pour rentrer sur Terre; @Cité de l’espace d’après NASA

Des stations service spatiales

Ces fusée vont rester certainement plus longtemps à quai en attendant le retour des astronautes.

Ce déroulé pose des questions sur le stockage du carburant et de comment le réapprovisionner quand la mission sera longue. En effet, l’hydrogène liquide doit être stocké à -250° et l’oxygène liquide à -180°. Sur Terre, on sait bâtir des structures adaptées et on peut les maintenir plusieurs heures ou plusieurs jours. Mais, il va falloir réussir à les maintenir pendant plusieurs semaines dans le vide spatial. Il y a des programmes qui réflechissent à comment utiliser la poussière et les roches de la lune pour en extraire de l’eau et donc de l’hydrogène de l’oxygène ou du méthane pour en faire du carburant pour refaire décoller des fusée. « Cela coutera peut-être moins cher de faire du carburant sur place que de le faire redécoller de la Terre. » D’autant que la Lune n’est envisagée que comme une étape. La Nasa envisage de refaire décoller des fusées depuis la Lune pour aller sur Mars.

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