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L’étape lunaire – Épisode 5 – La Lune, Terre de science

Dans “L’étape lunaire”, la deuxième saison du podcast original “Mars, la nouvelle odyssée”, Olivier Emond et ses invités proposent un voyage vers la Lune, vue comme un centre d’entraînement à l’épopée martienne. Dans cet épisode 5 : la Lune, terre de science, avec Patrick Pinet, directeur de recherche CNRS à l’IRAP. Ex-Directeur adjoint de l’IRAP (Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie) à Toulouse .

3 phases d’exploration

Patrick Pinet distingue 3 phases dans l’exploration scientifique de la Lune

Depuis le début des années 60, il y a eu trois grandes périodes d’exploration de le Lune. Une première période de découverte, de 1959, avec les premiers Luna côté soviétique jusqu’à l’arrivée de l’homme sur la Lune en 1969. «C’est une phase de connaissance sur un corps qu’on ne connaissait pas», résume Patrick Pinet, directeur de recherche CNRS à l’IRAP.
La seconde phase, de 1969 à 1976 a été une phase d’exploration in situ . Soit par les astronautes avec le programme Apollo, soit avec des programmes robotiques du côté soviétique. C’est une phase qui a permis de ramener des échantillons.
Puis entre 1976 et le milieu des années 90, on se désintéresse de la Lune. «Le redémarrage de l’observation de la Lune de manière orbitale, exclusivement, ça a été de 1994 et crescendo jusqu’à aujourd’hui», indique Patrick Pinet. «Et depuis 2013, via le démarrage de l’exploration chinoise, on est en train de revoir arriver des rovers in situ sur la Lune. C’est le tout début d’une nouvelle époque».

Le rover Viper de la NASA va explorer les cratères du Pôle sud de la Lune.

© NASA

De la science sur place ou sur Terre ?

Les programmes précédents ont permis de ramener des échantillons mais le programme Artemis prévoit, à terme, de réaliser des expériences sur la Lune

Ce qui devrait permettre de faire progresser la recherche et la connaissance de la Lune, c’est de pouvoir s’implanter sur la Lune. «C’est un peu comme ce qu’ on a fait en Antarctique. Ça va prendre plusieurs années», estime Patrick Pinet. «Les moyens qui sont mis en œuvre pour retourner vers la Lune vont permettre de faire une science très évoluée in situ avec ou sans les astronautes». Selon lui, le progrès des instruments va permettre d’accroître considérablement la connaissance. «On va pouvoir implanter des moyens très sophistiqués avec des méthodes d’analyse qu’on n’avait pas il y a 40 ou 50 ans. Des robots comme Perseverance ou Curiosity, ça peut faire faire un bond très important dans l’exploration scientifique de la Lune». 

De la science aussi en orbite

L’une des étape du retour sur la Lune prévoit la mise en orbite d’une station spatiale

Quand on parle de retourner sur la Lune il va y avoir différentes étapes. L’une de ces étapes consiste à mettre en place une station spatiale autour de la Lune: La Gateway. «Ça sera, en même temps, un système pérenne en orbite autour de la lune qui permettra de faire des allers retours avec la surface lunaire et de conduire aussi de la science en environnement lunaire autour de la Lune», détaille Patrick Pinet. La station servira aussi à faire de la science.

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La Gateway sera en orbite de halo autour de la Lune.

© NASA

De nombreuses expériences ont été menées à la surface de la Lune pendant les missions Apollo

© NASA

Que nous ont appris les kg de roche lunaire ramenés ?

L’analyse des échantillons ramenés par les missions Apollo et les missions Luna a permis de mieux connaître la Lune et le Système solaire

Les missions de retour d’échantillons ont permis de ramener 382kg côté américain et quelques centaines de grammes côté soviétique.
«L’ensemble de ces données a été fondamental pas uniquement pour la connaissance de la Lune mais aussi pour la connaissance du système solaire de manière plus large avec des possibilités de datation. Ça a été énorme», explique Patrick Pinet. Contrairement aux premières missions Apollo, les missions Apollo 15, 16 et 17 ont été des moissons scientifiques gigantesques. «La première mission Apollo 11 a ramené 22kg d’échantillons. La mission Apollo 17 110kg» détaille Patrick Pinet. «Il y avait une jeep conduite par les astronautes sur la Lune. Les rayons d’explorations étaient beaucoup plus grands». Ces échantillons ont d’autant plus de valeur qu’on peut les coupler avec les données orbitales et les données intégrées qu’on a acquis sur la totalité de la Lune.

De la science plus ciblée

On connait mieux la Lune qu’à l’époque l’Apollo

Au moment d’Apollo 17, la connaissance de la Lune se limitait à une bande de latitude autour de l’équateur à plus ou moins 10° de latitude. «Le reste de la Lune était Luna incognita puisqu’on n’avait pas de satellite en orbite polaire pour faire de cartographie systématique. Entre temps on a conduit toute une batterie d’expérimentations et d’observations avec des capteurs de plus en plus sophistiqués qui ont été systématiques et globaux». On croise, donc, les données de ces échantillons récoltés à l’époque, ce qui permet de redéfinir les endroits où il faudrait retourner aujourd’hui pour compléter les connaissances sur la Lune. «Dans la première phase d’exploration, il y avait un pari, parce qu’il y avait une connaissance beaucoup plus limitée de l’environnement lunaire», explique Patrick Pinet. «Aujourd’hui, on a toute cette connaissance de l’environnement lunaire qui est disponible. On est en capacité de rejouer certaines des dernières explorations faites par les astronautes».

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La jeep lunaire, ici à côté de l’astronaute et géologue Harrison H. Schmitt a permis à Apollo 17 de récolter 11à kg de roche lunaire.

© NASA

Un technicien examine le plus grand échantillon de roche lunaire collecté par Apollo 14. L’analyse des échantillons d’Apollo on permis d’affiner nos connaissances sur l’environnement lunaire.

© NASA

Comment peut-on caractériser la Lune ?

Cet astre semble inerte mais son analyse a permis de mieux le caractériser

En analysant plus finement les échantillons Apollo, depuis ces dix dernières années, on s’est aperçu qu’il fallait revoir notre copie sur notre connaissance de l’environnement lunaire. «La vision générale qui consistait à dire que la Lune était complètement anhydre, sans molécule d’eau et desséchée était fausse. En analysant ces échantillons qui étaient particulièrement ceux d’Apollo 15 et d’Apollo 17 sous forme de vers volcaniques, on s’est aperçu qu’il y avait, dedans, des inclusions de molécules d’eau en quantité de plusieurs centaines à près de 1000 parties par millions (ppm)», précise le directeur de recherche CNRS à l’IRAP. «Cela indique que le magma, puisque ça provient, en profondeur, de l’intérieur de la Lune, est remonté, s’est solidifié et a donné des vers volcaniques à la surface de la Lune contenant une certaine quantité d’eau». Pourtant à l’époque d’Apollo, personne n’imaginait qu’il puisse y avoir de l’eau sur la Lune, sous aucune forme.

L’analyse orbitale a également permis d’en savoir beaucoup plus sur la structure interne de la Lune.

La croute de la Lune est beaucoup plus fine que ce que l’on pensait avec des variations de l’ordre de 30 à 40km d’épaisseur seulement. «Tous ces éléments là, sont des exemples d’acquisition de connaissances qu’on anticipait absolument pas dans les années 90, considérant que la Lune, c’était bon, il n’y avait plus rien à découvrir. Mais ,il faut rester prudent, la découverte est toujours au coin de la porte. On va peut-être faire des découvertes très intéressantes de ce côté là en retournant sur la Lune». Parce que, l’une des particularités de la Lune, c’est qu’il s’agit d’un corps préservé dans son histoire géologique primordiale. 80% de la surface de la Lune est plus vieile que 4 milliards d’années, et donc date des 500 premiers millions d’années de l’histoire géologique planétaire. Sur Terre, c’est l’inverse, tout est plus récent que quelques centaines de millions d’années. «Comme la Lune n’a pas d’atmosphère, elle a une exosphère très ténue, tout est préservé, donc vous avez une image figée de l’histoire du système solaire qui est disponible à la porte à côté».

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