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Episode 4 – Peut-on vivre sur la Lune ?

Dans “L’étape lunaire”, la deuxième saison du podcast original “Mars, la nouvelle odyssée”, Olivier Emond et ses invités proposent un voyage vers la Lune, vue comme un centre d’entraînement à l’épopée martienne. Dans cet épisode 4 : vivre sur la Lune, avec Peter Weiss, PDG de Spartan Space, une entreprise qui construit un habitat gonflable pour séjourner sur la Lune.

Alors que lors des missions Apollo, les astronautes n’ont jamais passé plus de 48h sur la Lune, l’objectif du programme Artemis est de séjourner sur la Lune. Les agences envisagent que les astronautes y vivent plusieurs jours, voire plusieurs mois. Pour cela il faut inventer des abris, des habitats. Dans ce quatrième épisode de Mars la nouvelle odyssée – l’étape lunaire, Olivier Emond reçoit Peter Weiss, le PDG de Spartan Space qui développe des solutions d’habitats gonflables qui vont servir pour les premières missions Artemis.

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L’Eurohab doit arriver avant les astronautes sur la Lune et se gonfler pour servir de refuge ou de camp de base entre deux phases d’exploration.

@Vue d’artiste – Spartan Space

Quel habitat pour les missions Artemis ?

L’habitat des premières missions Artemis ressemblera plus à des refuges

Un refuge gonflable qui arrivera avant les astronautes

Quand on imagine une base lunaire, on se prend à rêver d’un espace de plusieurs centaines de m², en dur. Des dômes recouverts de régolithe lunaire et des serres pour faire pousser des salades et des tomates. “C’est un avenir plus lointain”, indique Peter Weiss, le PDG de Spartan Space. “J’espère que ça va venir mais aujourd’hui il faut répondre aux besoins concrets du programme Artemis”. Ce qu’il propose, ce sont des Eurohab. Des habitats gonflables qui sont conçus comme des charges utiles. “C’est livré comme un petit paquet sur la Lune, par un véhicule robotique. Ça peut être le véhicule sur lequel travaille l’ESA, le EL3 Européen, le Large logistic lander, ou avec un autre engin. Une fois que c’est arrivé, ça s’ouvre et ça se gonfle”, détaille-t-il. 

Un camp de base entre deux phases d’exploration

L’objectif principal est que cet habitat puisse arriver bien avant les astronautes et leur servir de refuge une fois qu’ils sont sur la Lune. “Ils seront très limités par la distance dont ils peuvent s’éloigner de leur site d’atterrissage. Pour aller explorer plus loin, les astronautes auront besoin de points de chute” indique Peter Weiss. “Ce sera un peu comme un camp de base, un refuge en montagne avant d’aller sur le Mont Everest.

Il faut dire que quand on regarde la cartographie du Pôle Sud, là où tout le monde veut aller, on se rend compte qu’il y a de grandes distances entre les sites sûrs pour les atterrissages avec des astronautes à bord et les sites où on veut aller. Ils ne peuvent pas franchir ces distances à pied ou avec des rovers sans avoir ce point de chute positionné quelque part. « Nous on propose ça comme contribution européenne au programme Artemis. Parce qu’aujourd’hui il manque encore des éléments européens sur cette aventure en surface lunaire. »

Se reposer, travailler et réparer

Eurohab sera un habitat très spartiate pour répondre aux besoins essentiels des astronautes

Une fois que le module a atterri, il va se gonfler et s’ouvrir comme une fleur. Un sas descend de l’un des pétales et va toucher le sol. L’astronaute rentre dans le sas et grimpe dans l’habitat par une échelle jusqu’à la « Dirty section”, une zone sale. “Là on va laisser toutes les choses qui sont poussiéreuses. Lors des  missions Apollo, ils se sont déshabillés dans les capsules et ils étaient exposés à la poussière. On veut éviter ça”, explique le PDG de Spartan Space. Une fois que l’astronaute s’est débarrassé de son scaphandre, il peut accéder aux autres sections. “Il y a des “Crew quarters” où il y aurait des lits pour deux à quatre astronautes. Il y aurait certainement des toilettes et un endroit pour travailler, comme dans un laboratoire. Mais ce sera extrêmement spartiate à l’intérieur. Parce que, le point fort de notre habitat c’est qu’il est vraiment conçu sur les capacités d’un alunisseur robotique comme il existe aujourd’hui. Pour nous, le point important, c’est qu’on veut construire quelque chose qui est faisable”. Cette technologie est en partie éprouvée dans l’espace. L’ISS, par exemple, comporte un module gonflable.

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Un module d’Eurohab est installé au Centre européen des astronautes à Cologne, à côté du module Colombus, pour permettre aux astronautes européens de s’entraîner.

@Spartan Space

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Vue d’artiste de l’atterrissage d’un Eurohab avant que ne se gonfle pour accueillir les astronautes.

@Spartan Space

Un monde hostile 

Les séjours longs des astronautes devront s’adapter à cet environnement

Sur la Lune, il n’y a pas de champ magnétique et la poussière lunaire est très abrasive et dangereuse pour les poumons. En ce qui concerne les radiations, les astronautes ne seront pas protégés comme dans l’ISS. “Une base sur la Lune, n’est pas comparable avec une base en orbite basse comme l’ISS”, décrit Peter Weiss. “Parce que la station est protégée par la magnétosphère de la Terre donc la radiation est un peu réduite. Sur la Lune il vont être pleinement exposés aux radiations”. La meilleure protection, c’est d’ajouter de la matière. De nombreux projets prévoient d’enterrer les habitats sous du régolithe pour limiter ces radiations. “Ce qu’on va intégrer dans l’Eurohab, c’est une zone sécurité, comme un Shelter”, explique le PDG de Spartan Space. “Les tempêtes peuvent être anticipées. On a un temps d’alerte qui peut permettre à un équipage de rejoindre Eurohab et de se réfuugier dans cette zone plus protégée que les autres. On a une sorte de cœur, comme une cabine téléphonique qui est plus protégée que les autres. Ça va améliorer la situation, mais ça ne permettrait pas encore de vivre pendant six mois sur cette station, comme on le fait aujourd’hui sur l’ISS”. C’est la raison pour laquelle, des séjours plus courts de quelques semaines ou quelques mois seulement sont envisagés.

 

De l’énergie et de l’oxygène

Comment alimenter ses habitats pour permettre aux astronautes de respirer et d’avoir de l’énergie

Le principe de cet habitat est qu’il ne sera pas utilisé en permanence. “On va avoir un pic de consommation d’énergie. Puis les astronautes vont partir et on va avoir beaucoup de temps pour recharger les batteries”. Les ingénieurs qui conçoivent ces habitats réfléchissent donc à avoir recours à des piles à combustibles. Le système se charge très lentement avec de petits panneaux solaires. Les astronautes brûlent l’énergie pendant quelques jours et quand ils repartent, les batteries vont se recharger lentement. C’est l’une des raisons qui rendent le Pôle sud si convoité. Cette région, pas plus grande que l’Île de France, comprend des zones exposées quasiment en permanence, aux lumières solaires. 

Produire de l’oxygène

Pour respirer, les ingénieurs travaillent aussi sur des systèmes pour extraire l’oxygène du CO2.Aujourd’hui, on peut, avec le régolithe, produire de l’oxygène. Airbus développe la machine ROXY, qui peut être déposée par des sondes en surface lunaire et qui va produire de l’oxygène”, précise Peter Weiss. “Le problème, c’est l’acheminement de l’oxygène jusqu’au module.” Cette zone du Pôle Sud risque donc d’être très disputée par les nations spatiales. “Souvent on dit que la Lune est une étape vers Mars. Non, c’est l’étape vers Mars !”, martèle Peter Weiss. “Si on ne va pas vers la Lune, on ne va pas vers Mars. Les nations qui vont être positionnées en surface lunaire sont celles qui iront sur Mars. Il n’y a pas de raccourci. C’est pour ça qu’il est primordial que l’Europe ait sa place en surface lunaire.” 

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