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Des poissons sur la Lune ? Oui, pour les manger…

Publié le 17 octobre 2023

Avec le programme Lunar Hatch, l’institut français Ifremer étudie la possibilité d’amener des poissons sous forme d’œufs sur la Lune. Une fois éclos et élevés en aquaculture, ils pourraient nourrir les astronautes d’une future base.

Des poissons sur la Lune ? Oui, pour les manger…

On sait que les mers lunaires ne ressemblent en rien aux océans terrestres. Ce sont en fait de vastes plaines issues de coulées volcaniques causées par des impacts. De quoi se demander si cette histoire de poissons sélènes (du bar pour être précis) est bien sérieuse… Pourtant, aussi étonnante que puisse paraître l’idée, elle s’inscrit dans une démarche spatiale assez ancienne.

Un coup de bar et ça repart…

Dans le cadre général du retour sur la Lune, évoqué par l’exposition Lune – Épisode II de la Cité de l’espace à Toulouse, plusieurs initiatives se font jour afin de préparer l’avenir. Dans cette logique, Lunar Hatch porté par l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) repose sur l’idée d’amener vers une future base lunaire des œufs de poisson, du bar. «Un poisson-modèle à l’Ifremer dont nous maîtrisons l’élevage aquacole», précise Cyrille Przybyla, chercheur en biologie marine à l’Ifremer. Les œufs seraient alors placés dans un équipement d’aquaculture en circuit clos que l’institut connaît bien et, une fois éclos puis arrivés à maturité, ils permettraient de «proposer du poisson au menu deux fois par semaine» grâce à un apport en œufs tous les 6 mois. Les vols habités, et surtout les missions de plusieurs mois dans les stations spatiales (dont l’ISS), ont montré l’importance d’une nourriture variée pour la santé des astronautes et aussi leur moral.

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Un embryon de bar. C’est sous cette forme que le poisson voyagerait vers la Lune. L’étude de l’Ifremer démontre qu’un tel œuf supportera le trajet.
© Ifremer, Gilbert Dutto

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Un des dispositifs utilisés pour simuler les conditions spatiales sur des embryons de poisson.
© Ifremer

L’étude scientifique de l’Ifremer publiée sous l’égide de Cyrille Przybyla s’est tout d’abord attachée à démontrer que les œufs de bar supportaient les accélérations qui résultent d’un décollage, puis l’impesanteur du voyage. L’Université de Lorraine (avec l’Agence Spatiale Européenne) et l’agence spatiale française CNES ont participé. Ainsi, les larves de bar soumises à ces effets se sont montrées quasi identiques à celles restées en conditions terrestres. L’éclosion a eu lieu 6 heures plus tôt, mais le phénomène s’avère bien connu lorsqu’un changement d’environnement se produit. L’étape suivante consiste à étudier les effets des rayonnements subis lors d’un trajet vers la Lune afin de s’assurer que les œufs livrés resteront viables. L’Ifremer collabore avec l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) sur ce point.

L’enjeu d’une autonomie alimentaire partielle

Bien entendu, ce travail est de l’ordre de la prospective, car pour le moment, aucune livraison d’œufs de bar vers une station lunaire (autour de la Lune ou à sa surface) n’est prévue. Néanmoins, Lunar Hatch s’inscrit dans une démarche déjà ancienne du spatial en ce qui concerne l’enjeu d’une autonomie alimentaire partielle. Depuis des années, on cultive ainsi dans de petites serres des plantes sur orbite. À bord de la Station Spatiale Internationale, des expériences comme Veggie (ou Vegetable Production System) ont continué des travaux similaires conduits sur les stations soviétiques et abouti à la pousse de salades qui sont consommées là-haut ! L’apport de nourriture fraîche par ce biais (contrairement aux repas en conserve ou lyophilisés) est très apprécié. S’y ajoute la satisfaction de manger un produit que l’on a cultivé. Outre les bénéfices nutritionnels, il ne faut pas en effet négliger l’impact positif sur le moral. Or le moral des astronautes s’impose comme un facteur clé de performance et aussi de sécurité (meilleure vigilance).

L’astronaute Shane Kimbrough à côté de Veggie, une petite serre à bord de la Station Spatiale Internationale.
Certaines salades ainsi produites ont été mangées par l’équipage.
© NASA

Exemple d’une étude financée par l’ESA autour du concept de serre lunaire afin de faire pousser des végétaux qui seront ensuite consommés par les occupants de futures bases scientifiques. En plus du potager, pourquoi ne pas penser aussi à l’aquaculture ?
© Solsys Mining

De plus, une telle autonomie partielle promet de limiter la masse à amener là-haut (et c’est encore plus important pour une destination comme la Lune), ce qui se traduit par des économies notables et une logistique simplifiée. Certes des œufs de poisson exigeront de l’eau en quantité pour le dispositif d’aquaculture, mais celle-ci ne devrait pas avoir à être transportée depuis la Terre puisque le sous-sol lunaire pourrait bien contenir de la glace d’eau. Plusieurs entreprises, certaines dans le cadre de contrats avec la NASA pour le programme Artemis, travaillent d’ailleurs sur des systèmes pour détecter cette précieuse ressource, l’extraire et la livrer. Si la démarche s’inscrit clairement sur le long terme, elle défriche aujourd’hui les solutions qui seront peut-être appliquées aux futures bases lunaires.

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