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La beauté du ciel selon Euclid

Publié le 09 novembre 2023

L’ESA a récemment publié des images obtenues avec son télescope spatial Euclid lancé en juillet 2023. Ces superbes vues du ciel attestent du bon fonctionnement de cet observatoire envoyé à 1,5 million de kilomètres de la Terre.

La beauté du ciel selon Euclid

Avec un miroir principal de 1,2 m de diamètre, Euclid (dont le nom rend hommage au mathématicien de la Grèce antique Euclide) semble plutôt modeste au sein des observatoires spatiaux si on le compare avec les 2,4 m d’Hubble ou 6,5 m du James Webb Space Telescope. Mais la taille ne fait pas tout, car ce télescope envoyé à 1,5 million de kilomètres de la Terre pour balayer le ciel a été avant tout conçu en vue d’une mission très spécifique : cartographier l’univers pour comprendre la matière noire et l’énergie sombre. Et en bonus, il nous offre de superbes images !

Un grand champ pour l’univers sombre

Fabriqué par Thales Alenia Space et Airbus Defence and Space pour l’Agence Spatiale Européenne (ESA), Euclid saisit en visible et en infrarouge des clichés un peu plus large que la pleine Lune (voir l’image ci-contre). En comparaison, Hubble et le Webb observent sur un champ considérablement plus étroit (environ 180 fois plus petit). Le «grand champ» d’Euclid sera sur 6 années allié à un balayage de régions du ciel essentiellement en dehors du plan de notre galaxie afin de dresser une cartographie 3D de l’univers. L’analyse des données ainsi récoltées permettra aux astronomes de mieux comprendre comment agissent la matière noire et l’énergie sombre. Rappelons que la matière noire est une matière qu’on ne voit pas, quelle que soit la longueur d’onde (d’où son nom), mais dont on constate les effets gravitationnels (cohésion des galaxies par exemple). L’énergie sombre, elle, cause une accélération de la vitesse d’expansion du cosmos. À nouveau, si on constate son effet on n’en connaît pas la nature. Cet «univers sombre» (matière noire et énergie sombre) représente tout de même 95 % du bilan énergétique de l’univers, le 5 % restant étant celui de la matière «ordinaire» (les atomes qui nous constituent, ceux des planètes, des étoiles, etc.).

Les 36 capteurs CCD (chacun de 4000×4000 pixels) de l’instrument VIS (VISible instrument) d’Euclid sont arrangés dans une matrice 6×6 qui couvre un champ du ciel un peu plus grand que celui de la pleine Lune comme le montre ce schéma de l’ESA. Euclid est également doté du spectromètre infrarouge NIPS (Near-Infrared Spectrometer and Photometer).
© ESA/ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, S. Brunier

En attendant que les nombreuses données d’Euclid contraignent les modèles cosmologiques et lèvent un peu le voile sur ces inconnues, le télescope spatial européen nous a offert 5 images spectaculaires du ciel. Si cet observatoire n’a pas été conçu pour devenir un astrophotographe esthète, les clichés qui suivent attestent en revanche de son bon fonctionnement. Nous vous proposons de les parcourir en allant de plus en plus loin. 

La nébuleuse de la Tête de Cheval

(1375 années-lumière)

Située dans la constellation d’Orion, cette nébuleuse est une «cible» classique des astronomes amateurs désireux de photographier un objet emblématique qui représente déjà un joli défi technique. Dégagé de la turbulence atmosphérique et doté d’une technologie de pointe, Euclid nous livre un portrait saisissant de cette pouponnière de soleils aussi répertoriée comme Barnard 33. On remarque sans mal la forme étonnante d’une partie de cette nébuleuse qui explique son surnom de Tête de Cheval.

La nébuleuse de la Tête de Cheval par Euclid.
© ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi

L’amas globulaire NGC 6397

(7800 années-lumière)

Notre galaxie la Voie Lactée, comme d’autres d’ailleurs, est entourée d’amas globulaires, des regroupements de soleils de forme sphérique. Ils concentrent généralement une centaine de milliers d’étoiles, souvent de type géante rouge et anciennes. Sur les 150 qui gravitent autour de la Voie Lactée, NGC 6397 est le deuxième plus proche à «seulement» 7800 années-lumière, ce qui signifie que la lumière émise par ses membres a mis autant d’années à nous parvenir. Nous voyons cet amas tel qu’il était alors que la civilisation humaine avait développé l’agriculture et l’élevage et qu’apparaissaient les premières cités.

L’amas globulaire NGC 6397 par Euclid. Il contient environ 400 000 étoiles.
© ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi

La galaxie NGC 6822

(1,6 million d’années-lumière)

Avec cette galaxie dite irrégulière, nous nous éloignons tout en restant dans le «Groupe Local». Celui-ci comporte une soixantaine de galaxies, dont la Voie Lactée, réparties sur 10 millions d’années-lumière.
Le grand champ d’Euclid permet de saisir NGC 6822 dans son ensemble tout en apportant une résolution suffisante pour en étudier les détails.

La galaxie NGC 6822 par Euclid.
© ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi

La galaxie spirale IC 342

(11 millions d’années-lumière)

Cette fois-ci nous quittons le Groupe Local… mais restons dans ce qui est considéré comme le «voisinage» au regard des dimensions de l’univers ! IC 342 exhibe une structure spirale qui se retrouve dans de nombreuses galaxies, y compris la notre, la Voie Lactée. Étudier la dynamique d’une galaxie comme IC 342 permet donc de mieux comprendre celle dans laquelle nous vivons.

La galaxie spirale IC 342 par Euclid.
© ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi

L’amas de galaxies de Persée

(240 millions d’années-lumière)

Pour cette cinquième et ultime image d’Euclid, nous nous éloignons encore plus à 240 millions d’années-lumière… mais nous n’allons pas nous arrêter là ! Au premier plan, cette image révèle 1000 galaxies appartenant à l’amas de Persée dont la distance moyenne est en effet de 240 millions d’années-lumière. Nous voyons donc ces galaxies telles qu’elles étaient alors que sur Terre son unique supercontinent (la Pangée) commençait à se fracturer. Notre planète avait aussi connu une dizaine de millions d’années auparavant la grande extinction du Permien-Trias (disparition de 70 % des vertébrés terrestres et de 95 % des espèces marines). Cette image va toutefois bien plus loin puisqu’en arrière-plan, on décèle selon l’ESA 100 000 galaxies additionnelles et la lumière de certaines a mis 10 milliards d’années à nous parvenir ! Une plongée dans l’histoire de notre univers.

L’amas de galaxies de Persée ainsi que des milliers de galaxies bien plus lointaines en arrière-plan.
© ESA/Euclid/Euclid Consortium/NASA, image processing by J.-C. Cuillandre (CEA Paris-Saclay), G. Anselmi

Mission de l’ESA, Euclid rassemble 13 pays européens ainsi que les États-Unis, le Canada et le Japon au sein d’un consortium fort de plus de 2000 scientifiques dans 300 instituts.

Accédez aux versions haute résolution des 5 images via cet article de l’ESA.

Vidéo ESA sur les premières images d’Euclid.

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