• Technologie

La santé de demain qui vient de l’espace

Publié le 06 mars 2024

Les 4 et 5 mars à Cannes, le deuxième congrès Health from Space a montré que la médecine fera appel à l’espace pour accomplir des recherches impossibles à réaliser sur Terre et même fabriquer des médicaments inédits.

La santé de demain qui vient de l’espace

Les liens entre la médecine et le spatial ne sont pas nouveaux. Si au début il s’agissait surtout de garantir la santé des astronautes, les scientifiques se sont très vite aperçus que l’impesanteur et d’autres facteurs propres à l’espace permettaient de mener des études capables de faire avancer la médecine sur Terre.

Health from Space : la santé qui vient de l’espace

Les 4 et 5 mars, la ville de Cannes a accueilli le deuxième congrès Health from Space qui fait le point sur l’apport de l’espace pour la médecine en réunissant les acteurs du secteur spatial et ceux de la santé, y compris les laboratoires pharmaceutiques. L’événement avait notamment pour partenaires l’Agence Spatiale Européenne (ESA), celle de la France (CNES) ou encore l’industriel Thales Alenia Space.
On identifie trois grands domaines liant l’espace à la santé.
1- Le suivi de la santé des astronautes, cobayes d’expériences visant à comprendre l’impact des vols sur le corps humain afin préparer l’exploration de la Lune puis de Mars. Cette recherche certes tournée vers le spatial est aussi riche d’enseignements pour la médecine sur Terre.
2- L’impesanteur autorise des expériences impossibles à mener sur Terre (culture de certaines cellules plus efficace, cristallisation de protéines plus pures, vieillissement accéléré d’un facteur 10, etc.).
3- L’impesanteur ouvre la voie à la bio-impression de tissus ou à la fabrication de médicaments inédits dont le potentiel semble très prometteur.

Ce troisième volet occupait l’essentiel des présentations du congrès Health from Space. Un volet qui nécessite un travail coordonné entre industries spatiale et pharmaceutique et aussi beaucoup d’investissements !

Ouverture du deuxième congrès Health from Space à Cannes le 4 mars 2024.
© Cité de l’espace / Olivier Sanguy

L’astronaute de l’ESA Andreas Mogensen travaille ici à bord de l’ISS sur une expérience de bio-impression de cellules cardiaques afin d’étudier les avantages de cette technique en impesanteur.

© NASA

La médecine avance à bord de l’ISS

La recherche médicale dans l’espace est déjà une réalité, elle est même quotidienne à bord de la Station Spatiale Internationale (ISS) où de nombreuses expériences tirent profit de l’impesanteur et d’autres facteurs pour cultiver des cellules de façon plus efficace ou pour cristalliser des protéines avec une pureté inégalable. Les pathologies et thérapies étudiées couvrent un vaste champ allant des maladies cardiovasculaires à l’immunité sans oublier les cancers.

Toutefois, la science à bord de l’ISS est essentiellement publique alors que les laboratoires pharmaceutiques ont besoin de conserver la propriété de leurs découvertes pour qu’un modèle économique s’applique au traitement éventuellement mis au point là-haut. 

Une recherche médicale accélérée

Le congrès Health from Space a montré l’émergence de plusieurs solutions commerciales en la matière, y compris en faisant appel à de futures stations privées (Vast est sur les rangs avec Haven-1) ou à des véhicules inhabités (capsules ou mini-navette de type Space Rider plusieurs fois cité) hébergeant une automatisation poussée des expériences. Si le coût de l’accès à l’espace a baissé, il reste significatif. Toutefois, il est contrebalancé par des avantages certains comme le fait que certains travaux ne peuvent être menés qu’en impesanteur. Les laboratoires pharmaceutiques s’intéressent aussi au vieillissement accéléré par un facteur 10 des cellules cultivées sur orbite. Autrement dit, une expérience nécessitant 1 an au sol pourrait être accomplie en seulement 1 mois. Et le temps étant de l’argent…

space-rider-esa

Illustration du Space Rider, une mini-navette réutilisable de l’ESA qui devrait voler pour la première fois en 2026. Sa soute pourrait héberger des expériences médicales automatisées.
© ESA

Des médicaments fabriqués dans l’espace

Plusieurs présentations du congrès Health from Space allaient cependant au-delà de l’idée (dèjà appliquée) d’une recherche dans l’espace pour faire avancer la médecine. L’étape suivante consiste à carrément fabriquer sur orbite des tissus (par bio-impression, peut-être même plus tard des organes entiers) ou des médicaments afin de traiter différentes maladies avec une efficacité accrue. Envisagée dans les années 1970, cette logique s’est heurtée au prix des missions spatiales.

Présent au congrès, le directeur général de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) Josef Aschbacher nous a confirmé que l’impesanteur permet «des méthodes de production plus efficaces et même des médicaments impossibles à fabriquer sur Terre». L’ESA n’étant pas une entité commerciale, le directeur général explique que le rôle de l’agence consiste en ce que les acteurs de cette nouvelle industrie pharmaceutique «aient ce dont ils ont besoin pour mener leur recherche». Ce qui inclut des moyens de transport spatial, de la place pour des expériences (le module laboratoire ESA Columbus dispose d’emplacements ouverts à la commercialisation) et même du temps d’astronaute. «Nous voulons nous assurer qu’il y ait une infrastructure pour que ce type d’activité puisse être fait».

Josef Aschbacher au congrès Health from Space.
© Cité de l’espace / Olivier Sanguy

Retour sur Terre de la capsule Winnebago 1 de la société privée Varda Space Industries. Alors qu’elle était sur orbite, un dispositif automatique a fabriqué du Ritonavir, un antirétroviral qui fait partie des traitements du VIH.
© Varda Space Industries

Dialogue entre le spatial et la santé

L’essor de la commercialisation, associé au fait que l’industrie pharmaceutique peut mobiliser des fonds importants, pourrait un jour aboutir à la réalisation de médicaments. Ainsi, des stations privées ou des véhicules automatiques ne serviraient plus seulement à conduire de la recherche, mais bien à fabriquer les éléments nécessaires à de nouveaux traitements. Le défi réside dans la capacité à en produire suffisamment et à être capable de les ramener au sol également en quantités susceptibles de répondre aux besoins de la médecine. Au congrès de Cannes, plusieurs sociétés, dont beaucoup de start-ups, étaient sur le créneau. Le dialogue avec l’industrie pharmaceutique a d’ores et déjà commencé. Il est même entré dans une phase d’essais concrets avec la société américaine Varda Space Industries. Le 21 février, sa capsule baptisée Winnebago 1 (de type W-Series 1 de 90 kg et 90 cm de large) est revenue sur Terre après avoir fabriqué en automatique sur orbite des cristaux de Ritonavir, un médicament utilisé pour le traitement du VIH.

Articles sur le même thème

La Cité de l’espace en ligne

Nos ressources et actualités spatiales