Valerian et Laureline, une saga spatiale humaniste

Publiée pour la première fois deux ans avant les premiers pas sur la Lune, cette bande dessinée française a traversé les décennies, son regard humaniste via l’angle de la SF spatiale restant pleinement d’actualité.

C’est dans les pages du magazine Pilote qu’apparaissent les premières planches relatant les aventures de Valérian, un agent du service Service Spatio-Temporel de Galaxity, cité du futur de notre planète au 28ème siècle. Avec Laureline, qui vient du Moyen-Age, se forme un duo qui, par la grâce de technologies très optimistes, se déplace à travers le cosmos et le temps afin d’éviter les modifications du passé ou les désordres sur de multiples planètes…

Audio : écoutez la rubrique Toulouse Capitale des Etoiles sur la saga Valérian et Laureline (2:44 mn)

Casser les codes

Avec le départ de notre monde du scénariste Pierre Christin le 3 octobre 2024 à 86 ans, cette saga en BD (éditée chez Dargaud) est à nouveau orpheline après le décès du dessinateur Jean-Claude Mézières le 23 janvier 2022 à 83 ans. Nés la même année en 1938, les compères ont forgé avec leurs plumes et leurs pinceaux une série d’aventures spatiales résolument modernes. Ils n’hésitent pas tout d’abord à casser les codes des personnages féminins. Si Laureline est parfois sauvée par Valérian, ce dernier lui doit la vie bien plus d’une fois.

Une héroïne au caractère bien trempé

De plus, par son caractère bien trempé, Laureline s’impose plus décidée à remettre en cause les décisions de la hiérarchie de Galaxity à laquelle Valérian apparaît plus obéissant. Les désaccords du duo d’agents spatio-temporels avec leurs supérieurs ont ainsi permis à Pierre Christin et Jean-Claude Mézières d’aborder de multiples sujets qui font écho au présent (environnement, racisme, féminisme, démocratie, rôle des multinationales, etc.).

Pierre Christin (à gauche) et Jean-Claude Mézières (à droite), les créateurs des aventures spatiales de Laureline et Valérian.
© Cité de l’espace d’après Dargaud (images utilisées à titre d’illustration du propos)

La saga Valérian et Laureline comprend une vingtaine d’albums publiés jusqu’au début des années 2010.
© Cité de l’espace d’après Dargaud (images utilisées à titre d’illustration du propos)

Une SF spatiale humaniste

Comme souvent avec la SF spatiale, les interrogations éthiques fortement teintées d’humanisme ne manquent pas. Par exemple, dans Bienvenue sur Alflolol, Laureline et Valérian doivent prendre en charge des vagabonds de l’espace qui s’installent sur une planète transformée en complexe industriel par les Terriens. Mais les soi-disant vagabonds sont en fait les natifs de ce monde qui étaient partis pour une balade de 4000 ans en raison de leur extraordinaire longévité. On perçoit ici sans peine une réflexion au regard des populations chassées de leurs terres ou des difficultés de compréhension entre cultures différentes.

Avec Les Héros de l’Équinoxe, Pierre Christin qui a étudié à la Sorbonne et Sciences po Paris (il a aussi créé un IUT de journalisme à Bordeaux) dénonce avec un humour grinçant les dangers de la perte de la nuance en matière de discours politique. L’album date de 1978 !

La plume de Christin était mise en scène par le génial coup de crayon de Jean-Claude Mézières et son incisif sens du découpage en cases et planches (voir notamment la bataille dans l’espace de L’Empire des Mille Planètes dont la conclusion occupe toute une page).

Pour le CNES, une inspiration scientifique

En 2017, le réalisateur français Luc Besson adapta sur le grand écran la BD avec le film Valérian et la Cité des Mille Planètes. Ce fut l’occasion pour l’agence spatiale française CNES de produire cette vidéo qui montre que Valérian et Laureline sont aussi, à l’image d’autres grandes œuvres de SF, des «inspirateurs scientifiques».

Au passage, notez que l’interview de l’astronaute Jean-François Clervoy a été réalisée à la Cité de l’espace de Toulouse.

Outre galvaniser ingénieurs ou astronautes, Laureline et Valérian n’ont pas manqué d’inspirer le cinéma et on souligna à plusieurs reprises les empreints du réalisateur américain Georges Lucas pour sa propre saga spatiale, Star Wars (attention toutefois aux simplifications et cet article de France Info fait à ce propos une analyse équilibrée).

Si l’héritage de Pierre Christin et Jean-Claude Mézières ne peut se résumer aux seules aventures des deux agents spatio-temporels, ce duo de scénariste et dessinateur reste à jamais pour beaucoup celui qui a créé Valérian et Laureline et les mondes qu’ils ont visités. L’incarnation immortelle d’un spatial qui va bien au-delà des frontières étriquées du Système solaire sans pour autant oublier les questions essentielles de notre humanité.