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VA261 : le dernier vol d’Ariane 5

Publié le 08 juin 2023

Avec son 117ème et dernier vol VA261, le lanceur européen Ariane 5 clôturera prochainement une carrière de 27 ans jalonnée de satellites, de sondes d’exploration et d’observatoires spatiaux. La relève sera assurée par Ariane 6.

VA261 : le dernier vol d’Ariane 5

Comme l’indique 5 dans son nom, Ariane 5 est la cinquième évolution majeure de la famille de lanceurs Ariane née de la volonté de donner à l’Europe une autonomie en matière d’accès à l’espace. Ariane 1 fut ainsi un véritable cadeau de Noël en la matière en réussissant son vol inaugural le 24 décembre 1979.
Un peu plus de 44 ans plus tard, Ariane «version 5» s’apprête à prendre sa retraite après 117 vols en 27 années.

VA261 : Ariane 5 entre dans la légende !

Le sigle VA261 pour vol Ariane 261 peut surprendre alors que cette ultime mission sera la 117ème d’Ariane 5. Cette apparente incohérence s’explique par le fait que VA261 intègre tous les vols de la famille Ariane, donc les versions 1 à 5.
Ainsi pour son 117ème et ultime vol, Ariane 5 signera aussi le 261ème de toute la lignée Ariane. Les «passagers» sont deux satellites de télécommunications, Heinrich-Hertz pour l’agence spatiale allemande DLR et Syracuse-4B pour la Direction Générale de l’Armement (France).
La fin de carrière d’un lanceur est toujours un moment chargé de souvenirs et d’émotions. En témoigne d’ailleurs le visuel officiel du vol avec la mention «Dernière Ariane 5» et en anglais «The Last One». Parallèlement ArianeGroup qui construit le lanceur a décidé de célébrer la carrière de celui-ci avec un logo spécifique «Ariane 5 The Legend». L’engin qui a incarné pendant presque trois décennies l’indépendance spatiale de l’Europe entre ainsi dans la légende !

Le poster officiel du vol VA261 avec les mentions «Dernière Ariane 5» et en anglais «The Last One». Notez aussi le le logo «Ariane 5 The Legend» proposé par ArianeGroup.
©CNES/ArianeGroup

Mise à jour du 15 juin : le décollage initialement prévu pour le 16 juin a été reporté.

Une nouvelle date d’envol sera prochainement communiquée.

L’étage principal d’Ariane 5 pour son dernier vol VA261 lors des préparatifs du lancement au Centre Spatial Guyanais.
©ESA/CNES/Arianespace/Optique vidéo du CSG/S Martin

82 succès d’affilée

La carrière d’Ariane 5 ne commença pourtant pas de la meilleure façon. Le vol inaugural du 4 juin 1966 se solda en effet par un échec en raison d’un problème informatique. Lors de la deuxième mission d’octobre 1997, l’étage principal cesse de fonctionner un peu plus tôt que prévu, mais ces soucis initiaux seront surmontés et Ariane 5 s’impose même de plus en plus sur le marché du lancement. Nouveau coup dur en décembre 2002 avec l’échec de la version ECA plus puissante capable d’envoyer 10 tonnes sur orbite de transfert géostationnaire (orbite visée pour les satellites de télécommunication géostationnaires et donc enjeu commercial majeur).
Ariane 5 connaîtra ensuite 82 succès d’affilée jusqu’en 2017 avec VA240 (4 satellites de géolocalisation européens Galileo). Le premier vol de l’année suivante (VA241) place deux satellites de télécommunications sur une orbite différente de celle visée. Ceux-ci parviendront toutefois à rejoindre leur orbite de travail.
Le problème est résolu et Ariane 5, commercialisé par Arianespace, garde la confiance de ses clients. Le lanceur enchaîne alors 19 succès sans interruption avec le 14 avril dernier l’envoi de la sonde JUICE de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) vers Jupiter. L’agence spatiale française CNES souligne au passage «une fiabilité exceptionnelle dans le temps» pour Ariane 5 avec sa probabilité de succès de 98,4 %.

Pour la Terre, la science et l’exploration

En envoyant la première sonde européenne vers la plus grande planète du Système solaire, Ariane 5 rappelle, si besoin était, sa versatilité. Capable d’envoyer 10 tonnes sur orbite de transfert géostationnaire (en version dite ECA), le lanceur visait souvent cette destination avec un système de lancement double. Un avantage certain sur le marché des lancements commerciaux, plus particulièrement celui très concurrentiel des satellites de télécommunications.
Pour autant, Ariane 5 a aussi été un lanceur au service de la Terre, de la science et de l’exploration.
La Terre, par exemple, en plaçant sur orbite basse en 2002 le satellite ENVISAT (ENVIronment SATellite) de l’ESA, monstre de 8 tonnes bardé d’instruments chargés de scruter notre planète et sorte de précurseur au programme Copernicus actuel.
Ariane 5 fut également le garant de l’accès à l’espace pour des missions scientifiques importantes. En 1999, c’est avec ce lanceur que XMM-Newton, le télescope spatial européen dédié aux rayonnements X (étude des trous noirs notamment), fut placé sur son orbite de travail. Dans ses jardins, la Cité de l’espace de Toulouse accueille d’ailleurs une maquette taille réelle de XMM-Newton. Pour rester dans les observatoires spatiaux, on citera le lancement double d’Herschel (télescope infrarouge) et de Planck (étude du rayonnement fossile de l’univers permettant de mieux comprendre le Big Bang), tous deux de l’ESA.

La science et les vols habités avec les cinq cargos automatiques européens ATV (Automated Transfer Vehicle) à destination de la Station Spatiale Internationale de 2008 à 2014. En amenant fret et vivres vers l’ISS, ces cargos ont participé aux nombreuses expériences menées à bord du complexe orbital.

Le 29 juillet 2014, le cinquième et dernier cargo automatique ATV (baptisé Georges Lemaître) s’envole vers l’ISS au sommet d’Ariane 5.
©ESA/Stéphane Corvaja

Un autre cadeau de Noël signé par la famille Ariane ! Le 25 décembre 2021, Ariane 5 emporte son passager le précieux avec sous sa coiffe le télescope spatial Webb qui représente un investissement de 10 milliards de dollars pour la NASA. L’observatoire fonctionne au-delà des attentes et a déjà récolté des données qui promettent de révolutionner l’astronomie.
©ESA/CNES/Arianespace

Surtout, n’oublions pas le James Webb Space Telescope, le plus grand télescope spatial à ce jour avec son miroir principal de 6,5 m de diamètre. Un passager prestigieux et très précieux (10 milliards de dollars investis par la NASA) confié à Ariane 5 du fait de la participation de l’ESA au programme (le Canada est également partenaire). En envoyant avec une redoutable précision le Webb vers son orbite de travail au point de Lagrange L2 à 1,5 million de kilomètres de la Terre, Ariane 5 a fait gagner 10 ans de vie opérationnelle supplémentaire au télescope !
Enfin, le cinquième membre de la famille a été le point de part de missions robotiques d’exploration emblématiques. Vous souvenez-vous du 12 novembre 2014, le jour où l’Europe s’est posée sur une comète avec le robot Philae largué par la sonde Rosetta ? Cette dernière avait quitté la Terre au sommet d’Ariane 5 en 2004.
En ce moment, la sonde de l’ESA BepiColombo suit un long chemin afin de se placer sur orbite autour de Mercure, la planète la plus proche du Soleil, en décembre 2025. Elle quitta le Centre Spatial Guyanais avec le vol VA245 d’Ariane 5. Et comme évoqué plus haut, pour son avant-dernière mission, le lanceur visa carrément Jupiter en envoyant JUICE vers cette destination.
Si Ariane 5 finit très prochainement sa carrière, certains de ses «passagers» (Webb, JUICE et d’autres) témoigneront encore longtemps de l’héritage unique de ce lanceur.

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