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Ramses : une mission vers l’astéroïde Apophis

Publié le 28 février 2024

En 2029, Apophis passera à seulement 31600 km de la Terre. Des scientifiques défendent l’idée qu’une mission, nommée Ramses, doit profiter de cette opportunité unique pour étudier en détail l’astéroïde de 370 m de large.

Ramses : une mission vers l’astéroïde Apophis

Autrefois surtout perçu comme un prétexte pour des films catastrophe, l’impact potentiel d’un astéroïde sur la Terre (un type d’événement qui au passage s’est déjà produit à plusieurs reprises) est devenu un sujet extrêmement sérieux qui a abouti à la logique de la protection planétaire. Organisée d’un point de vue international par les agences spatiales et des institutions scientifiques, cette protection consiste à mieux comprendre les astéroïdes et à réfléchir sur les moyens concrets d’en dévier un si le danger se présente. Le projet de mission Ramses répond à ces deux impératifs.

Apophis :
rendez-vous un vendredi 13…

Apophis est ce qu’on appelle un géocroiseur, un astéroïde dont l’orbite autour du Soleil recoupe par moment celle de la Terre. L’année de sa découverte en 2004, il avait même défrayé la chronique en raison de son «rendez-vous» avec nous calculé pour 2029 et sa classification de niveau 4 sur l’échelle de Turin (qui comporte 10 paliers). Ce qui en fit alors l’objet le plus dangereux et une vedette des médias à sensation. Il faut préciser que si ce «caillou baladeur» de 370 m de large percutait notre planète, il raserait aisément une grande ville en créant un cratère de 2,5 km de large (avec des dégâts s’étendant au-delà). Une arrivée dans un océan entraînerait un tsunami dévastateur. Toutefois, en affinant les observations et donc l’orbite de cet indésirable, les astronomes ont définitivement écarté la possibilité d’un impact en 2029

Schéma du passage d’Apophis à 31600 km de la Terre le 13 avril 2029.
© Cité de l’espace

Images radar d’Apophis réalisées en mars 2021.
© NASA/JPL-Caltech and NSF/AUI/GBO

Il n’en reste pas moins que le vendredi 13 avril de cette année-là (ça ne s’invente pas…) Apophis s’approchera jusqu’à 31600 km de la surface de notre planète, soit un peu plus près qu’un satellite géostationnaire ! En bref, «ça frôle vraiment la Terre», souligne David Mimoun, planétologue et professeur en systèmes spatiaux à l’ISAE-SUPAERO de Toulouse et qui travaille à l’élaboration d’une mission qui irait étudier de près l’astéroïde.

Ramses : un impératif de rapidité

Pour comprendre l’intérêt de cette idée, tournons-nous aussi vers Naomi Murdoch, également de l’ISAE-SUPAERO en qualité de chercheuse et planétologue. «Le passage d’Apophis en 2029 est sans danger pour notre planète, mais il offre une opportunité sans précédent d’explorer la nature physique et la structure interne des petits astéroïdes», souligne-t-elle, avant d’avertir qu’il y a urgence : «Afin de saisir cette occasion extraordinaire, il est impératif d’agir rapidement ! La mission Ramses doit être lancée en 2028. Pour concrétiser ce projet, les délégations de l’ESA [Agence Spatiale Européenne] doivent confirmer leur soutien à la mission sans tarder».
On retrouve d’ailleurs cette notion de rapidité de réaction avec le nom de la mission, Ramses qui est aussi l’acronyme de Rapid Apophis Mission for SpacE Safety, soit mission rapide vers Apophis pour la sécurité spatiale. Il s’agit également d’un nom issu d’une dynastie de pharaons, en clin d’œil au fait qu’Apophis désigne un dieu égyptien.

Nos deux interlocuteurs pour évoquer la mission Ramses : David Mimoun et Naomi Murdoch de l’ISAE-SUPAERO de Toulouse.
© Cité de l’espace d’après Espace & Exploration (Mimoun) / ISAE-SUPAERO (Murdoch)

Ramses sera nos yeux et nos oreilles

Ramses sera donc une sonde qui, en partant en avril 2028, arrivera à proximité d’Apophis environ 2 mois avant le rendez-vous du 13 avril 2029 afin de scruter tout ce qu’il se passera. «La mission Ramses sera nos yeux et nos oreilles lors de cette rencontre épique, diffusant en temps réel des images et des données captivantes directement depuis la surface de l’astéroïde Apophis», résume Naomi Murdoch. Et en terme d’yeux, ce sont des images de l’astéroïde avec une résolution de 10 cm qui sont prévues. N’oublions que si une sonde américaine (OSIRIS-APEX) scrutera aussi Apophis en 2029, elle ne le fera qu’après le passage proche du 13 avril. Ramses apporte donc un plus indéniable.

La sonde Hera de l’ESA lors de tests afin de la préparer à son lancement prévu en octobre 2024. Ramses s’appuiera sur la même plateforme et bénéficiera du travail accompli sur Hera.
© ESA-SJM Photography

Ramses : Hera version Apophis

Mais comment met-on sur pied en si peu de temps, moins de 4 ans, une mission spatiale ? David Mimoun souligne l’exemple de Venus Express, une mission de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) qui étudia de 2006 à 2014 la deuxième planète du Système solaire et qui bénéficia d’un temps de développement accéléré en s’appuyant sur une sonde directement dérivée de Mars Express lancée en 2003. «On va faire la même chose avec Hera pour Apophis», pointe le planétologue de l’ISAE-SUPAERO. Hera est en effet une sonde de l’ESA qui, en décollant en octobre prochain, examinera dès la fin 2026 Dimorphos, la petite lune de l’astéroïde Didymos volontairement percutée en 2022 par la mission DART de la NASA (ce qui permettra de mieux comprendre la dynamique d’une telle collision pour dévier un objet).
L’idée-force de Ramses en terme de rapidité repose sur la réalisation de la même plateforme qu’Hera. L’industriel allemand OHB connaît en quelque sorte la recette, garantissant que Ramses sera prête à temps malgré un délai court pour du spatial. La mission, dont le responsable scientifique sera Patrick Michel de l’Observatoire de Nice et expert des astéroïdes, bénéficie du soutien de la NASA, de la JAXA (Japon), du CNES (France), de l’ASI (Italie), du BELSPO (Belgique) et du DLR (Allemagne). De plus, l’Italie fournira deux petits satellites de type Cubesat issus de l’architecture d’Hera. Un sera chargé d’accomplir des relevés radar et l’autre de se poser sur Apophis. Ce dernier, équipé d’un gravimètre et d’un sismomètre pourra recueillir des données inédites.

Des séismes révélateurs

Naomi Murdoch nous explique l’interêt d’un sismomètre : «Depuis le début de l’exploration planétaire, les sismomètres ont toujours été des instruments clés pour sonder l’intérieur des corps planétaires; ils ont déjà été déployés sur la surface de la Lune, de Mars et de Vénus, mais jamais encore sur un astéroïde. Nous anticipons que l’attraction gravitationnelle de la Terre lors de la rencontre rapprochée avec Apophis engendrera des séismes sur l’astéroïde ! Nous serons en mesure de les enregistrer grâce à notre sismomètre.»

Pour le bien de l’humanité

Au départ menace, le passage d’Apophis du 13 avril 2029 se révèle être surtout une formidable opportunité scientifique doublée du recueil d’informations cruciales pour la défense planétaire. David Mimoun n’hésite d’ailleurs pas à y voir une mission «pour le bien de l’humanité».
Il faut bien sûr au préalable convaincre les États membres de l’ESA afin qu’ils financent Ramses. Et ce n’est pas forcément plus simple que réussir un rendez-vous avec un astéroïde…

Note : l’illustration en tête de cet article est basée sur la mission Hera étant donné que Ramses s’appuiera sur le même type de sonde.

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