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Le dernier Delta IV Heavy

Publié le 10 avril 2024

Inauguré en 2004, ce lanceur américain a accompli son seizième et dernier vol le 9 avril. Essentiellement utilisé pour des satellites de reconnaissance, il a aussi servi pour un vol d’essai de la capsule Orion et pour la Parker Solar Probe.

Le dernier Delta IV Heavy

Le monde spatial évolue et, inévitablement, les anciennes générations de lanceurs partent à la retraite à l’image d’Ariane 5 en 2023. Le 9 avril 2024, c’était au tour du Delta IV Heavy, un emblématique lanceur conçu pour répondre aux demandes du département de la Défense américain.

Un dernier vol représentatif

Le 9 avril dernier, l’ultime Delta IV Heavy s’envola de Floride depuis le pas de tir SLC-37B de la Cape Canaveral Space Force Station avec à son sommet un satellite de reconnaissance pour le National Reconnaissance Office (NRO). Cette agence est chargée de gérer les moyens de renseignement depuis l’espace (plus communément, dits «satellites-espions») du gouvernement des États-Unis. Ce seizième et dernier vol se révèle représentatif de la carrière du Delta IV Heavy. En effet, une telle charge utile depuis cette base de lancement en Floride représente plus de la moitié de ses vols ! En raison du satellite envoyé, le vol du 9 avril comme d’autres similaires est considéré «classifié» et sa retransmission (vidéo en fin d’article) n’alla donc pas jusqu’à la conclusion. Un communiqué confirma toutefois le succès de cette dernière mission dénommée NROL-70 (pour National Reconnaissance Office Launch). Les médias spécialisés avancent que le satellite placé sur orbite est de type Mentor conçu pour l’écoute électronique à l’aide d’une antenne déployable principale dont le diamètre a été estimé à 100 m.

Conçue par Boeing, la famille Delta IV est issue d’une volonté de l’armée de l’air américaine dans les années 1990 d’aider au développement de nouveaux lanceurs afin de garantir au pays une continuité dans l’accès à l’espace, surtout pour les charges utiles gouvernementales. Le programme appelé EELV (Evolved Expendable Launch Vehicle) lance un appel d’offres en 1995 et retient au final en 1997 les propositions de Lockheed Martin (famille Atlas V) et de Boeing avec justement les Delta IV.

Majestueux décollage du dernier Delta IV Heavy le 9 avril 2024 depuis la Floride.
© ULA

Les impressionnantes flammes à l’allumage de ses 3 moteurs font partie de ce qui distingue le Delta IV Heavy.
© ULA

Emblématique, mais trop cher

Les lanceurs Delta IV reposent sur un premier étage propulsé par un unique moteur RS-68, version non-réutilisable de ceux de la navette spatiale de la NASA. Le premier Delta IV vole en 2002. Boeing développe aussi une version plus puissante baptisée Delta IV Heavy en accolant trois premiers étages (les Common Core Boosters) capables d’envoyer ensemble, avec bien sûr l’aide de l’étage supérieur, 28 tonnes sur orbite basse (20 tonnes pour Ariane 5 à titre de comparaison). Le vol inaugural de cette version le 21 décembre 2004 se solde par un échec partiel en raison de l’arrêt prématuré de la propulsion entraînant une orbite plus basse que visée. Le deuxième vol du 11 novembre 2007 est cependant un succès, comme tous les suivants. Dès 2014, Boeing et Lockheed Martin autrefois concurrents pour l’appel d’offres EELV s’unissent au sein de la société United Launch Alliance (ULA) qui commercialise alors en commun les Delta IV et Atlas V.
Les 3 «boosters» orange (couleur de l’isolant) du Delta IV Heavy lui donnent une silhouette qui le distingue, sans compter les impressionnantes flammes qui s’élèvent à l’allumage de ses 3 RS-68 qui consomment de l’hydrogène et de l’oxygène liquides. Ces caractéristiques et la rareté des missions finissent par en faire un lanceur emblématique. En dépit de ses performances, le Delta IV Heavy vole peu en raison de son tarif élevé de 330 à 440 millions par mission. Un prix qui le réserve quasi exclusivement aux satellites-espions. Sur 15 vols après l’inaugural, il en lancera d’ailleurs 13 pour le compte du NRO, 8 depuis la Floride et 5 depuis Vandenberg en Californie. Le Delta IV Heavy a toutefois accompli deux missions importantes pour la NASA. Le 5 décembre 2014, il envoie à 5800 km de la Terre le modèle d’essai de la capsule Orion qu’on retrouve aujourd’hui dans le programme Artemis. Puis, le 12 août 2018, la sonde Parker Solar Probe profite de sa puissance pour se placer sur une orbite particulière autour du Soleil qui lui permet de devenir l’engin qui s’en approche régulièrement au plus près.

Enregistrement du direct vidéo d’United Launch Alliance consacré au dernier vol d’un Delta IV Heavy.

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