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Kineis, la constellation toulousaine, bientôt sur le pas de tir

Publié le 26 mars 2024

Les premiers satellites de la constellation Kineis, construits par Héméria, sont assemblés. Cinq d’entre eux partiront fin avril pour la Nouvelle-Zélande d’où ils doivent être lancés. Cette constellation comptera 25 nanosatellites pour révolutionner l’internet des objets.

Kineis, la constellation toulousaine, bientôt sur le pas de tir

Cet été, une fusée Electron du néo-zélandais RocketLab va lancer les cinq premiers satellites de la constellation toulousaine Kineis. Cette constellation consacrée à l’internet des objets doit prendre le relai du système Argos. Les applications vont de la surveillance des feux de forêts, au pistage des migrations d’animaux en passant par le suivi de conteneurs sur les océans. Hautement performant, bien que beaucoup plus sobre qu’une méga-constellation comme Starlink, le programme Kineis a bénéficié d’un accompagnement inédit et répond à un enjeu de souveraineté dans ce domaine.

Kineis c’est quoi ?

La constellation Kineis va permettre de pister des puces de 7mm de côté partout sur la planète

Kineis est une constellation de 25 satellites dont les premiers éléments doivent être lancés entre le 9 juin et le 10 juillet 2024 par une fusée Electron du Néo-Zélandais RocketLab. Le projet, lancé en 2018 à l’initiative du CNES, est en pleine phase d’industrialisation. Les cinq premiers nanosatellites doivent quitter Toulouse pour rejoindre la Nouvelle-Zélande à la fin du mois d’avril. L’idée par du constat que seul 15% de la planète est couverte par des réseaux terrestres et que seule une constellation peut permettre de suivre un objet partout dans le monde. Équipé d’une antenne créée par Comat, chaque satellite doit permettre d’identifier la position de puces n’importe où sur le globe avec un rafraîchissement toutes les 15 minutes environ. « On prend une petite puce de 7 mm, on y colle une batterie, un capteur, un petit boîtier ça fait un objet qui fait la taille parfois d’un demi pouce, mais plus généralement d’un demi téléphone, qu’on peut mettre sur n’importe quel objet partout autour du monde », résume Alexandre Tisserand, le PDG de Kineis. Les applications sont multiples pour suivre aussi bien des animaux sauvages que des bateaux de pêche ou des wagons de fret… La constellation Kineis pourrait, aussi, permettre de gagner un temps précieux dans la lutte contre les feux de forêts. « On développe avec un partenaire, des capteurs qu’on place toutes les centaines de mètres dans les forêts qui permettent de détecter un niveau de CO2 suffisamment tôt pour qu’en 10-15 minutes, on puisse envoyer aux autorités un potentiel départ de feu, qu’ils puissent intervenir très vite », assure Alexandre Tisserand. 

En partenariat avec la société DRYAD, Kineis a conçu un capteur pour la détection des feux de forêts. Dès qu’un niveau de CO2 correspondant à un départ de feu est détecté, il permet d’envoyer un message aux services d’intervention pour éteindre rapidement le feu.

 ©DRYAD

Constellation-kineis-recadrage

Vingt-cinq satellites sont prévus pour la constellation Kineis. Chacun couvrira 5000km de diamètre. Une puce sera couverte par un satellite toutes les 10 à 15 minutes.

© Kineis

Un système performant

Un satellite Kineis peut repérer l’équivalent d’un bip de télécommande à 600km d’altitude

 

C’est la société toulousaine Héméria qui est chargé de l’industrialisation et qui produit les satellites dans ses salles blanches. Pour Nicolas Multan, le PDG d’Héméria, l’innovation principale de Kineis, c’est sa capacité à capter le signal de ces puces dans le tumulte des radiofréquences. « La radiofréquence est beaucoup utilisée au sol pour faire passer des messages ou des signaux. Là, on est sur un protocole particulier, une fréquence dans la bande de fréquence qui est assez particulière », explique-t-il. « Mais quand on est sur une fréquence, on est un peu pollué par tout ce qui est un petit peu avant et tout ce qui est un petit peu après. Et donc arriver à distinguer dans ce brouhaha RF qui vient du sol via les oreilles d’écoute du satellite, des signaux du niveau d’une télécommande de garage, donc extrêmement faible, ça veut dire qu’on a un satellite avec une propreté électro magnétique qui est quasiment jamais vue ». Chaque nanosatellite est situé à 600 km d’altitude et couvre 5000 km de diamètre.« Ils font le tour en une heure et demie, ce qui leur permet de balayer la Terre, en continu, et d’avoir, cette sensibilité d’écoute, inégalée » détaille le PDG de Kineis.

Pas une méga-constellation

La constellation Kineis ne cherche pas à concurrencer Starlink

Quand on parle de constellation de satellites, la première image qui nous vient en tête est celle de Starlink, d’Elon Musk. Cette méga-constellation compte déjà des milliers de satellites. À terme, elle devrait en compter 40 000 pour permettre de capter internet en haut débit n’importe où sur la planète. Mais pour Alexandre Tisserand, ça n’a évidemment rien à voir avec leur service. « Nous, on a beaucoup moins de satellites, on est beaucoup plus sobre dans notre approche », indique Alexandre Tisserand.« On connecte des petits objets pas chers, assez sobre en énergie, qui durent des mois, voire des années ». D’ailleurs, pour Nicolas Multan, la constellation Kineis représente un coût bien moindre, sur le plan financier et environnemental. « Sur une centaine de millions d’euros, la levée de fonds initiale de Kineis, on développe toute une infrastructure vol. Sur ces cent millions, il y a beaucoup de coûts de développement d’études », assure-t-il. « Si on devait refaire une constellation de 25, elle serait infiniment moins chère. Tout ça pour un produit fiable qui va durer huit ans. Et non pas des Cubesats d’entrée de gamme qui vont durer moins de deux ans et qui vont, derrière, devenir des débris spatiaux »

Le concours de dessin “Ton dessin dans l’espace” organisé par la Cité de l’espace et Kineis a permis de sélectionner 15 dessins. (Ici celui de Jeanne de la catégorie Grand public 9-12 ans). Ils seront tous intégrés dans des satellites de cette constellation.

© Cité de l’espace

salle blanche Héméria

Il faut entre 7 et 9 semaines pour construire ces nanosatellites dans les salles blanches d’Héméria. Actuellement, un satellite est livré chaque semaine. 

© Cité de l’espace

Une création et un accompagnement du CNES

De la création de l’entreprise, aux transferts de compétence, le CNES a suivi de près ce programme

C’est le CNES qui a lancé et accompagné ce projet. D’abord en imaginant les objets et comment miniaturiser le système Argos existant. « Il a fallu ensuite constituer l’objet Kineis. Il ne fallait pas que ce soit CLS », (la filiale du CNES en charge du système Argos), indique Caroline Laurent, la Directrice des systèmes orbitaux au CNES. « Il fallait que ce soit une boîte plus petite, plus agile, qui aille plus vite, qui concentre tous ses efforts sur cette constellation pour être les premiers ». Ensuite, le lancement d’Angels, le premier nanosatellite français en 2016, a été une étape déterminante pour démontrer la faisabilité du programme. Puis, Kineis a réalisé une levée de fonds de 100 millions d’euros en janvier 2020. Mais l’accompagnement s’est aussi fait par des transferts de compétences. « On a fait de la co-maîtrise d’œuvre, c’est-à-dire qu’on a réalisé le satellite ensemble en étant ensemble dans les salles blanches, en faisant du transfert de compétence, mais aussi du transfert de personnel ». Pour elle, cette constellation, c’est aussi un enjeu de souveraineté. « Quand on en a besoin, c’est disponible. On ne dépend pas de capitaux privés ou étrangers. C’est aussi, se dire que c’est important que l’argent ne parte pas chez M. Musk ou M. Bezos. Et savoir que les informations sont dans des serveurs qui appartiennent à Kineis quelque part en France ». 

Cette architecture inédite est emblématique de ce que l’agence spatiale française peut apporter au New Space

Après le lancement de cet été, les suivants devraient se succéder tous les deux mois. L’objectif est d’être opérationnel dès le mois de janvier 2025 et d’avoir un service complet au printemps prochain. « Quand on voit sortir les produits, c’est un vrai aboutissement. On voit tout le chemin parcouru » s’enthousiasme Nicolas Multan, d’Héméria. « C’est une première en France, un opérateur qui fait produire 25 satellites, en France, pour les lancer en huit mois, ça n’a jamais existé. Donc, on est ravis de pouvoir être pionniers sur le sujet », résume Alexandre Tisserand. Et pour Caroline Laurent, ce projet est emblématique de ce que le CNES peut apporter au New Space. « Ça ouvre toute une palette d’accompagnement possible des startups, du spatial, de tout cet écosystème ».

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