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Le télescope spatial Euclid y voit enfin clair

Publié le 20 mars 2024

Le télescope spatial européen avait la vue brouillée par une fine couche de glace depuis plusieurs mois. Les opérations de dégivrage et de réchauffement des instruments sont encourageants. Déjà, la vision nette d'Euclid est restaurée.

Le télescope spatial Euclid y voit enfin clair

Peut-être la fin d’un long casse-tête pour les ingénieurs en charge d’Euclid. Le télescope spatial européen a été lancé le 1ᵉʳ juillet 2023 par une fusée Falcon 9. Il est chargé de cartographier l’Univers pour déterminer le rôle de l’énergie sombre dans l’accélération de son expansion. Mais depuis quelques mois, les opérations de calibrage indiquaient une diminution progressive de la quantité de lumière mesurée. Le télescope situé au point de Lagrange L2, soit à 1,5 million de km de la Terre, avait la vision peu à peu embuée par une fine couche de givre. Les ingénieurs ont élaboré une technique de réchauffement progressif de deux des trois miroirs qui semble porter ses fruits.

D’où vient ce givre sur les miroirs d’Euclid ?

De l’eau, contenue dans les instruments, a gelé une fois relâchée dans le vide spatial

C’est un problème courant auquel sont confrontés les objets spatiaux d’après l’Agence spatiale européenne. L’eau qui provient de l’humidité de l’air, absorbée par les instruments lors de l’assemblage sur Terre est peu à peu libérée. Cette humidité se retrouve confrontée au vide spatial qui atteint environ -140°. Conscients de ce problème, les ingénieurs en charge d’Euclid avaient mené une campagne de dégazage peu après le lancement. Toute la structure a été réchauffée au moyen de radiateurs embarqués et en exposant aussi certains éléments au Soleil. Ainsi, l’eau peut se sublimer et éviter de geler. Pourtant, au moment de calibrer les instruments, on s’est rendu compte que la lumière des mêmes étoiles diminuait progressivement. Une indication qu’une couche de givre, « pas plus épaisse qu’un brin d’ADN » détaille l’ESA, recouvrait certaines parties des miroirs. « Certaines étoiles de l’Univers ont une luminosité variable, mais la majorité sont stables pendant plusieurs millions d’années. Ainsi, lorsque nos instruments ont détecté une légère diminution progressive du nombre de photons entrants, nous avons su que ce n’était pas eux, mais nous », précise Mischa Schirmer, scientifique en étalonnage pour Euclid et qui a conçu ce plan de dégivrage.

Euclid payload

10kg de MLI (Multi-Layer Insulation) recouvrent les instruments de télescope. Ce matériau peut absorber 1% de son poids en eau.

© ESA

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Euclid va cartographier l’Univers pour comprendre l’influence de l’énergie sombre et de la matière noire dans l’accélération de son expansion.

© ESA

Un réchauffement progressif

Le plan de dégivrage a consisté à réchauffer certains instruments pour éviter de fragiliser le calibrage optique d’Euclid

Pourquoi ne pas reprendre le réchauffement total d’Euclid ? Les radiateurs pourraient faire passer la structure du télescope de -140° à -3° pour permettre à l’eau de s’évacuer. Malheureusement, ce n’est pas si simple. Cette option aurait nettoyé, sans aucun doute, l’optique, mais aurait dilaté l’ensemble des matériaux qui composent le télescope. Or en refroidissant à nouveau, ils ne seraient pas nécessairement revenus dans le même état. Sur une mission aussi précise, le moindre degré de différence pourrait fausser les résultats et la compromettre.  « Pour atteindre  les objectifs scientifiques d’Euclid consistant à créer une carte 3D de l’Univers en observant des milliards de galaxies jusqu’à 10 milliards d’années-lumière, sur plus d’un tiers du ciel, cela signifie que nous devons maintenir la mission incroyablement stable – et cela inclut sa température », explique Adreas Rudolph, le directeur de la mission Euclid. « La mise en marche des chauffages du module de charge utile doit donc être effectuée avec une extrême prudence ». 

Euclid a recouvré la vue

L’option privilégiée a donc consisté à réchauffer uniquement certaines zones qui risquaient moins d’altérer les instruments. Deux des trois miroirs ont ainsi augmenté leur température de quelques degrés. Et depuis, Euclid y voit clair. « L’analyse initiale des données d’Euclid valide l’approche de dégivrage conçue par l’équipe », précise l’ESA dans son communiqué. L’Agence spatiale européenne indique, par ailleurs, que des analyses complémentaires permettant de valider les opérations de cette campagne de dégivrage seront bientôt communiquées. 

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