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Vulcan, le nouveau lanceur américain qui vise la Lune

Publié le 13 décembre 2023

Mise à mal par SpaceX, la firme américaine United Launch Alliance table sur son nouveau lanceur Vulcan. Pour son vol inaugural envisagé fin 2023, mais repoussé début 2024, il doit envoyer vers la Lune le petit atterrisseur robotique privé Peregrine.

Vulcan, le nouveau lanceur américain qui vise la Lune

Ariane 6 n’est pas le seul lanceur qui compte sur 2024 pour inaugurer sa carrière. Aux États-Unis, la firme United Launch Alliance prépare depuis déjà plusieurs années le Vulcan (aussi appelé en entier Vulcan Centaur) qui doit lui permettre de rester pertinente sur un marché dominé par le concurrent SpaceX. Le premier vol qui visait fin décembre doit désormais se produire en janvier prochain.

La survie d’ULA en jeu

L’enfant de Boeing et Lockheed Martin

La société United Launch Alliance (ou ULA) est née en 2006 par la mise en commun des moyens de deux géants de l’aérospatial américain, Boeing et Lockheed Martin. Héritant d’un savoir-faire certain, et avec pour clients principaux la NASA et le département de la Défense servis par la gamme de lanceurs Delta IV et Atlas V, cette alliance apparaissait bien armée face à l’émergence de SpaceX. Pourtant, après des pointes à 10/15 lancements par an et avoir assuré le départ de missions emblématiques (rovers martiens Curiosity et Perseverance, premier test d’Orion autour de la Terre, Parker Solar Probe, etc.), ULA ne totalisera en 2023 que 3 lancements tandis que la firme fondée par Elon Musk a déjà dépassé les 90 prestations orbitales et en ambitionne 144 pour 2024.

Test réussi des propulseurs BE-4 de l’étage principal du Vulcan d’ULA en juin 2023 en Floride. Les BE-4 sont fournis par Blue Origin qui compte exploiter son propre lanceur New Glenn prochainement.
© ULA

Le 20 novembre, l’étage supérieur Centaur V est amené au sommet du Vulcan au sein des installations d’United Launch Alliance (ULA) en Floride. Ce lanceur est préparé pour le vol inaugural CERT-1 qui enverra vers notre satellite naturel l’atterrisseur lunaire robotique Peregrine.
© ULA

L’inévitable transition vers Vulcan

Sous la direction de son patron (depuis 2014) Tory Bruno, ULA prépare toutefois une inévitable transition. Les Delta IV trop chers ont été progressivement abandonnés et le dernier volera (en versions Heavy) en mars 2024. L’Atlas V de son côté, apprécié pour ses performances et sa fiabilité, souffre de reposer sur le moteur russe RD-180 pour son étage principal, soulevant des interrogations de souveraineté et d’indépendance lors de l’annexion de la Crimée par la Russie. Interrogations devenues encore plus cruciales avec les bouleversements géopolitiques plus récents, notamment la guerre en Ukraine. Grâce au stock existant de RD-180, l’Atlas V accomplira la quinzaine de missions déjà signées, puis sera mis à la retraite.
La relève pour ULA, et donc aussi son avenir commercial face à SpaceX, repose sur le Vulcan Centaur en développement depuis plusieurs années. Pour rassurer sa clientèle, la firme américaine met en avant à la fois le recours à des solutions techniques issues de ses précédents lanceurs et une motorisation cette fois-ci intégralement nationale, à savoir deux propulseurs BE-4 pour l’étage principal et qui consomment du méthane et de l’oxygène liquide. Ceux-ci sont fournis par la société Blue Origin (BE signifie Blue Engine) fondée en 2000 par le milliardaire Jeff Bezos connu pour Amazon. Enfin, dans Vulcan Centaur, le deuxième mot désigne l’étage supérieur issu de la longue lignée des étages Centaur qui remontent aux années 1950 (moteurs RL-10 à l’oxygène et l’hydrogène liquides).
Comme tout nouveau lanceur, même s’il s’appuie sur un héritage technologique solide, Vulcan a subi son lot de retards. Après plusieurs reports, il devait connaître son vol inaugural le 24 décembre 2023, mais des imprévus lors des ultimes répétions au sol ont forcé ULA a reporter le grand jour à l’année suivante.

Vulcan visera la Lune

Vulcan est un lanceur d’une soixantaine de mètres de hauteur et plus de 500 tonnes au décollage capable de placer de 10 à 27 tonnes sur orbite basse ou 3,5 à 15 tonnes en orbite de transfert géostationnaire selon les versions (à titre de comparaison, Ariane 5 faisait respectivement 20 et 10 tonnes). ULA compte exploiter Vulcan depuis ses installations de la base de Vandenbergh en Californie et celles de la Cape Canaveral Space Force Station en Floride.

C’est d’ailleurs depuis la Floride que le vol inaugural est attendu en version dite VC2, car dotée de 2 boosters latéraux (la gamme Vulcan va de VC0 à VC6). Le client de cette mission CERT-1 (pour certification) est la société Astrobotic créée en 2007 qui place sous la coiffe du nouveau lanceur son atterrisseur automatique lunaire Peregrine. L’engin de 1,2 tonne, après plusieurs jours de voyage (la durée exacte dépend du créneau de lancement), se posera dans la région des dômes Gruitthuisen, non loin de l’océan des Tempêtes sur notre satellite naturel. Pour le moment, le décollage vise le 8 janvier 2024.

Poster d’ULA pour la mission CERT-1, vol inaugural du Vulcan.
© ULA

Peregrine est un atterrisseur automatique privé de la firme Astrobotic. Celle-ci envisage un engin plus grand, le Griffin (en bas à gauche), afin de répondre à des demandes de la NASA pour des charges utiles plus lourdes. Griffin doit servir à poser sur la Lune le rover VIPER de l’agence américaine.
© Cité de l’espace d’après Astrobotic

La Lune version commerce

Peregrine volera dans le cadre d’un contrat de type CLPS (Commercial Lunar Payload Services) avec la NASA de 79,5 millions de dollars et transporte à ce titre plusieurs instruments scientifiques de l’agence américaine. L’atterrisseur emporte aussi des charges utiles pour d’autres clients, certaines également scientifiques ou plus étonnantes comme des cendres de personnes décédées (prestation vendue par la société Celestis).
Le Peregrine d’Astrobotic s’inscrit dans la volonté de la NASA de mettre sur pied une logique de contrats commerciaux liés à la Lune. L’agence achète alors une prestation de service clé en main pour envoyer vers notre voisine céleste ses instruments, rovers et à l’avenir du fret pour les missions habitées Artemis. La concurrence doit aider à maintenir des tarifs abordables tout en favorisant l’essor d’une «économie lunaire» où la NASA ne serait pas le seul client. Dans cette logique, avec son Vulcan, ULA espère bien être un des acteurs capables de jouer un rôle (ici celui du lancement).

On notera qu’en janvier 2024 doit partir un autre atterrisseur lunaire privé américain, le Nova-C d’Intuitive Machines. Cette fois-ci, c’est un Falcon 9 de SpaceX qui a été retenu pour la prestation de décollage. Cette mission repose elle aussi sur un contrat de type CLPS avec la NASA.

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