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Épisode 5 – La mystérieuse planète Neuf

Dans “Au-delà de la planète rouge”, la troisième saison du podcast original “Mars, la nouvelle odyssée”, Olivier Emond et ses invités proposent un voyage jusqu'aux confins de notre système solaire. Dans cet épisode 5 : la mystérieuse planète 9, existe-elle vraiment et comment la détecter ? Avec Alessandro Morbidelli, directeur de recherche CNRS à l’Observatoire de la Côte d’Azur.

Écouter le podcast Durée: 20:00

LE MYSTÈRE DE LA PLANÈTE 9

Aux confins de notre système solaire se cacherait une mystérieuse planète : la planète 9, remplaçant Pluton. Cette existence potentielle d’une neuvième planète est le fruit de déductions et d’observations scientifiques. Alessandro Morbidelli, directeur de recherche CNRS à l’Observatoire de la Côte d’Azur, la compare à la découverte de la planète Neptune. 

Pluton par New Horizons

Pluton, ici photographiée par la sonde New Horizons, a longtemps été considérée comme la neuvième planète du Système solaire avant d’être requalifiée en 2006 en planète naine.

@NASA 

Des indices concordants

Les observations ont montré des objets allignés et comme attirés par une masse inconnue

Ce sont les observations du Système solaire qui, à partir du milieu des années 2010 ont conduit à formuler cette hypothèse d’une neuvième planète au-delà de Neptune. «Les petits corps qui sont les plus lointains du soleil sont des objets qui ont des orbites très allongés qui passent relativement près de Neptune, mais qui peuvent aller très loin sur leur orbite elliptique à 1000 à 1500 fois la distance entre la Terre et le Soleil», explique Alessandre Morbidelli. «Ces objets ont des orbites qui ne sont pas uniformément distribués dans l’espace, comme on pourrait s’y attendre, mais au contraire leurs orbites sont toutes alignées».

Pas d’éparpillement

C’est ce qui étonne les scientifiques. Même si, à l’origine, par hasard, ces objets étaient sur des orbites proches, qui pourraient être la conséquence de collisions, au fil des siècles, les orbites devraient s’éparpiller sur le plan de l’écliptique. Or ces orbites sont encore toutes alignées. «Donc, il faut qu’il y ait quelque chose qui garde les orbites alignés, une force gravitationnelle qui n’est pas celle des planètes connues», indique le directeur de recherche CNRS à l’Observatoire de la Côte d’Azur. «D’où l’idée qu’il y ait une neuvième planète».

Le risque du biais observationnel

Si on cherche des objets uniquement pour confirmer notre hypothèse, tout est faussé

Quand on voit qu’il y a des objets sur des orbites alignées, dans une certaine direction, il est nécessaire de se demander si ce n’est pas un biais observationnel. En clair, est-ce qu’on ne cherche pas des éléments uniquement pour confirmer notre théorie. «L’évaluation des biais observationnels est très compliquée, parce que les objets sont découverts par plusieurs observateurs avec plusieurs télescopes différents, des stratégies observationnelles différentes et les observateurs reportent leurs découvertes, mais ne rapportent pas où ils ont regardé et n’ont rien trouvé». Cet alignement orbital qu’on observe pourrait donc être significatif et être favorisé par la présence de cette neuvième planète. Mais d’autres affirment que, si on tient compte des biais observationnels, cet alignement perd sa pertinence statistique. La planète n’existerait pas. «Il faut savoir que ces objets distants, sur lesquels le débat se base, sont à peu près une dizaine, donc il faut certainement en découvrir davantage, avec un relevé observationnel beaucoup plus rigoureux, pour vraiment décider et être tous d’accord s’ il y a quelque chose à expliquer ou pas».

L’aide de l’observatoire Vera Rubin

Dans les prochains mois, au Chili, l’observatoire Vera Rubin devrait permettre de recueillir des données plus objectives. «Il va étudier tout le ciel visible. Visiter tout le ciel toutes les semaines, et donc permettra de découvrir d’autres objets ou redécouvrir les objets connus, mais l’avantage c’est que ce sera vraiment une surveillance très répétitive et rigoureuse», explique-t-il. «On pourra statuer s’ il y a une anomalie dans la distribution des objets distants du système solaire ou pas».

Observatoire Vera Rubin au Chili

L’observatoire Vera Rubin doit entrer en service début 2025. 

@Rubin Obs/NSF/AURA

Neptune avec ses anneaux prise par NirCam du JWST

La magnitude de Neptune, ici capturée par le JWST, est de 8 environ. Le télescope Vera Rubin devrait pouvoir repérer des objets avec une magnitude de 24 mais ce ne sera peut-être pas suffisant.

@ESA/NASA

Ensuite comment la trouver ?

Si une anomalie se confirme, la difficulté va être de réussir à pointer la planète dans un télescope

Cette mystérieuse planète, si elle existe, devrait tomber tôt ou tard dans le champ de vue d’un télescope comme Vera Rubin qui va scruter l’ensemble du ciel. Mais il restera la question de la magnitude. «L’observatoire Vera Rubin ira jusqu’à une magnitude de 24, qui est une luminosité très faible. Mais la planète pourrait être plus faible que ça», indique Alessandro Morbidelli. «En particulier, si, par hasard, elle se trouve en ce moment à l’aphélie, donc le point le plus distant de l‘orbite du Soleil». Or, statistiquement, l’aphélie est le moment où les planètes passent le plus de temps. «Quand les planètes ont des orbites elliptiques, les planètes passent très peu de temps près du Soleil et beaucoup de temps à l’extrémité opposée donc au plus loin du Soleil. Statistiquement, elle sera plus près de l’aphélie, donc de sa distance maximale que de la périhélie, sa distance minimale». De plus, si la planète n’est pas très grande, ou si elle est sombre, elle pourrait être au-delà de la détectabilité de Vera Rubin. «Mais ce n’est pas grave», rassure le planétologue. «L’important c’est que Vera Rubin découvre des objets distants et puisse décider s’ il y a une anomalie dans la détection d’objets distants ou pas. Si vraiment cette anomalie est confirmée, il y a sûrement une planète qui peut l’engendrer et on pourra commencer à jouer à Le Verrier, pour mieux caractériser l’orbite de la planète et peut- être même sa position».

Le précédent de Neptune

La découverte de la huitième planète du Système solaire est le fruit de calculs

Jusqu’à la moitié du XIXe siècle, seules 7 planètes étaient connues. Toutefois, Uranus avait un mouvement anormal qu’on ne pouvait pas expliquer par les perturbations des planètes connues. C’est l’astronome français Urbain Le Verrier et John Couch Adams en Angleterre qui ont fait le postulat de l’existence d’une huitième planète. «Mais, leur problème était un peu plus simple que le nôtre avec la neuvième planète», précise Alessandro Morbidelli. «Il s’agissait de perturbations directes qui s’exercent sur une période qui est la période orbitale. Alors que dans le cas de la 9e planète il s’agit de perturbations séculaires. Ce n’est pas le mouvement de la planète sur son orbite qui compte mais c’est le mouvement de l’orbite tout entier qui compte, ce qui prend des millions d’années !»

Pour Neptune, les calculs étaient plus abordables et ont permis de déterminer sa position avec une précision suffisante pour guider les observateurs, notamment Johann Gottfried Galle à Berlin qui l’a observée dans la nuit du 23 au 24 septembre 1846. Dans le cas de la neuvième planète, on pourra calculer quelle doit être son orbite, mais on ne saura pas où sera la planète sur son orbite

Johann-Gottfried-Galle

A la suite des travaux de Le Verrier et d’Adams, l’Allemand Johann Gottfried Galle a découvert Neptune dans la nuit du 23 au 24 septembre 1846.

@Domaine public

The artist concept depicts Kepler-62e, a super-Earth-size planet in the habitable zone of a star smaller and cooler than the sun, located about 1,200 light-years from Earth in the constellation Lyra.

Kepler-62e, une super-Terre  dans la zone habitable d’une étoile plus petite et plus froide que le soleil, située à environ 1 200 années-lumière de la Terre dans la constellation de la Lyre.

@Vue d’artiste NASA/Ames/JPL-Caltech

A quoi ressemblerait cette planète ?

Selon les études de masse, il pourrait s’agir d’une super-Terre

Dans notre Système solaire, nous avons les planètes telluriques (Mercure, Vénus la Terre et Mars) dont la Terre est la planète majeure. Plus loin, nous avons les géantes, essentiellement gazeuses avec des masses allant de 300 masses terrestres, pour Jupiter, à 15 ou 17 masses terrestres, pour Uranus et Neptune. «Quand on observe des planètes extrasolaires, on se rend compte que les planètes les plus typiques sont des planètes de masse intermédiaire, entre la Terre et Neptune. C’est ce qu’on appelle les super-Terre ou les mini-Neptune selon les points de vue. Et, il n’y en a pas dans notre Système solaire», s’étonne Alessandro Morbidelli. «Nous avons cet intervalle de masse entre 1 et 15 masses terrestres où il n’y a rien».

Comment aurait-elle pu se former ?

Si son existence se confirme elle présenterait des caractéristiques inédites dans le Système solaire

Ces super-Terre qu’on découvre autour d’autres étoiles sont la plupart du temps très proches de l’étoile centrale. Dans le cas, d’une neuvième planète, on la découvrirait sur une orbite très lointaine. «Sans doute la planète aurait été mise sur cette orbite un peu bizarre par des instabilités». Il y a plusieurs hypothèses pour sa formation . L’une d’elle et qu’elle pourrait s’être formée dans la région des planètes géantes et, étant la plus légère, elle aurait été expulsée. «Lors de cette expulsion, les perturbations des autres étoiles, qui devaient être plus proches que maintenant, auraient pu remodeler un peu l’orbite pour la stabiliser», détaille-t-il.
L’autre possibilité est que la planète ait tourné autour d’une autre étoile, et qu’à l’occasion d’une rencontre, le Soleil ait kidnappé cette planète. «Pour cela, il faudrait déjà que cette planète ait une orbite assez distante de sa propre étoile. Si on est très proche de l’étoile centrale, c’est difficile de la piquer. Mais si cette planète était déjà distante de son étoile, que cette étoile a rencontré le Soleil et que cette étoile est moins massive que le Soleil, ce qui est très probable parce que la plupart des étoiles sont moins massives que le Soleil. Alors le Soleil aurait pu la kidnapper».

Io passe devant Jupiter repérée par Voyager 2 en 1979. L’une des hypothèse est que cette neuvième planète ait été expulsée de la région des planètes géantes.

@NASA/JPL

D’autres planètes cachées ?

Si il y a une neuvième planète pourquoi pas une dixième ou une onzième ?

«En science, on a un principe de l’hypothèse minimale. On ne propose que ce dont on a besoin», précise le chercheur. «Il n’y a aucun indice qui pointe vers la présence d’une autre planète. Mais, ça ne veut pas dire qu’il n’y en a pas». Selon lui, statistiquement, il y aurait une probabilité de 30% que la neuvième planète existe. «En avoir deux, ce serait une probabilité de 30% au carré donc ça devient 1% et de plus en plus improbable».

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