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SOFIA détecte des traces d’eau sur la Lune
Publié le 27 octobre 2020
SOFIA est un télescope infrarouge installé à bord d’un 747 modifié qui associe la NASA et l’agence allemande DLR. Il a détecté de très faibles proportions de molécules d’eau à la surface du cratère Clavius sur la Lune.
L’eau sur notre satellite naturel est presque une «vieille» histoire. Certes, la majorité des données obtenues avec des sondes ou les missions habitées Apollo plaidaient pour une Lune «sèche». Toutefois, en 1978, les scientifiques soviétiques notèrent une très faible présence d’eau dans les échantillons de sol sélène ramenés grâce à leur sonde Luna 24. En 1994, la sonde américaine Clementine mit en évidence la possibilité de glace d’eau à l’abri dans des zones perpétuellement à l’ombre de certains cratères aux pôles Nord et Sud de notre satellite naturel. Depuis, les indices en faveur du précieux liquide sous forme solide aux pôles se sont multipliés avec d’autres missions.
Mais la découverte du télescope SOFIA concerne bien de l’eau en surface et en dehors des zones à l’ombre (elle se rapproche donc plus du résultat de Luna 24). N’imaginez toutefois pas des poches d’eau, la proportion étant extrêmement faible comme nous allons le détailler.
SOFIA : un observatoire dans un 747
Parlons tout d’abord rapidement de SOFIA, le Stratospheric Observatory For Infrared Astronomy ou observatoire stratosphérique pour l’astronomie infrarouge. Ce programme associe la NASA et son homologue allemande DLR. L’idée consiste à héberger un télescope de 2,5 m de diamètre dans un avion (un Boeing 747 modifié) afin de l’amener à haute altitude, au-dessus de l’essentiel de la vapeur d’eau de notre atmosphère. Cette vapeur d’eau «absorbe» en effet une grande part du spectre infrarouge et gêne donc les observations (vidéo ci-dessous).
Le 747, désormais doté d’une ouverture à l’arrière isolée du reste de la cabine, amène donc le télescope entre 12 et 13 km d’altitude au-dessus de 99% de la vapeur d’eau de notre atmosphère. Les domaines scientifiques de SOFIA sont aussi variés que l’étude du milieu interstellaire, les comètes ou l’atmosphère des planètes. Cet observatoire aéroporté est opérationnel depuis 2010.
100 fois moins d’eau sur la Lune qu’au Sahara
Scruter la Lune représentait un défi supplémentaire pour SOFIA, car il était impossible d’assurer le guidage du télescope en pointant une étoile à proximité. Au final, l’observation s’est avéré non seulement possible, mais en plus d’une précision suffisante pour que la signature de la molécule d’eau soit qualifiée dans le communiqué de presse de SOFIA de «sans ambiguïté». Il ne s’agit donc pas de la détection d’OH (un atome d’oxygène associé à un autre d’hydrogène) comme ce fut le cas avec certaines sondes, mais bien d’eau, de H2O (un atome d’oxygène et deux autres d’hydrogène). Surtout, cette détection concerne le cratère lunaire Clavius qui est éclairé par le Soleil pendant 2 semaines avant de plonger dans l’ombre pendant 2 autres semaines et ainsi de suite. L’observation de SOFIA montre ainsi de l’eau sur des zones de la surface de la Lune qui sont éclairées et non des glaces à l’abri dans l’ombre des cratères polaires.
La vidéo de la NASA ci-dessous résume cette découverte.
Précisons avant tout que la concentration s’avère extrêmement faible. Si on ramassait en surface suffisamment de régolithe (la couche de poussière) pour en remplir un cube d’un mètre de large, on n’obtiendrait qu’un tiers de litre d’eau ! L’agence américaine ajoute, à titre de comparaison, que le Sahara est 100 fois plus humide. Les données de SOFIA pointent une concentration de 100 à 412 parts pour 1 million.
Aussi faible soit-elle, cette concentration pose question, car, comme le rappelle Casey Honniball qui est une post-doctorante au centre Goddard de la NASA et à la tête de cette découverte, «sans une atmosphère épaisse, l’eau sur la surface éclairée de la Lune devrait se perdre dans l’espace». Pour la scientifique, la conclusion est que «quelque chose génère cette eau, et quelque chose la retient là-bas». Deux mécanismes ont été identifiés. Tout d’abord, les vents solaires amènent de l’hydrogène à la surface de la Lune et des réactions chimiques avec les minéraux contenant de l’oxygène donneraient de l’hydroxyle (OH). Puis le bombardement continu de micrométéorites transformerait cet hydroxyle en eau. L’autre possibilité (qui n’exclue pas la première) est que cette eau est apportée par ce bombardement de micrométéorites. Les molécules d’eau bénéficient ensuite d’une «protection» en étant cachées entre les grains de poussière lunaire ou prisonnières de minuscules structures en forme de perles issues de la chaleur qui résulte des impacts météoritiques.
La NASA n’a pas manqué de rappeler que cette observation de SOFIA prend de l’importance avec le contexte de retour sur la Lune prévu par le programme Artemis (voir aussi notre dossier sur la Lune). L’agence américaine souhaite en effet développer l’utilisation de ressources locales pour une exploration à long terme. De l’eau sur la Lune représente autant qu’il n’y aura pas à amener pour les astronautes et donc plus de place pour des expériences scientifiques. Une logique exprimée par Jacob Bleacher du directorat des l’exploration habitée de la NASA. Il conviendra de déterminer si l’eau sous cette forme reste exploitable au regard de sa faible concentration. À plus court terme, le futur rover lunaire VIPER (lancement fin 2023) cherchera aussi des traces d’eau. Et dans l’immédiat, les équipes de SOFIA comptent réitérer leurs observations de la Lune afin d’obtenir encore plus de données sur cette eau sélène.