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Dragonfly : une libellule nucléaire pour Titan

Publié le 24 avril 2024

La NASA a donné son feu vert budgétaire pour Dragonfly (libellule en anglais), un drone hélicoptère alimenté par un générateur électrique nucléaire qui explorera Titan, la plus grande lune de Saturne. Départ prévu pour 2028 avec une arrivée en 2034.

Dragonfly : une libellule nucléaire pour Titan

Titan est la plus grande lune de Saturne. Avec 5150 km de diamètre, elle dépasse même de peu la planète Mercure (4879 km). Sa taille n’est cependant pas le seul élément remarquable qui pousse à l’explorer. Son atmosphère dense (cas unique dans le Système solaire pour une lune) ressemble en effet à celle de la Terre primitive. Visité pour la première fois en janvier 2005 avec l’atterrisseur européen Huygens, ce monde très froid (-179°C à sa surface) a encore beaucoup à nous apprendre et c’est pourquoi la NASA compte l’étudier avec un hélicoptère robotique.

Une partie de l’équipe de la mission réunie en novembre 2023 devant un prototype à l’échelle 1 de Dragonfly, ce qui donne une bonne idée de la taille de l’engin.
© Johns Hopkins APL

Une libellule nucléaire de 450 kg

L’hélicoptère martien Ingenuity a montré la voie en devenant le premier engin à accomplir un vol aérien motorisé sur un autre corps céleste que notre planète. Dragonfly pousse le concept bien plus loin, à commencer par la masse : 450 kg au lieu de 1,8 kg !

Une différence impressionnante qui s’explique par le fait que cette «libellule robotique» emporte plusieurs instruments et qu’elle se déplacera grâce à 4 couples de rotors d’un mètre de diamètre.

Une alimentation électrique fournie par du plutonium

 L’alimentation en électricité ne pourra pas venir de panneaux solaires à l’image d’Ingenuity, Dragonfly étant considérablement plus lourd et Titan trop éloigné du Soleil (l’atmosphère est de plus opaque). La solution retenue est donc un générateur thermoélectrique à radioisotope où quelques kilos de plutonium-238 fournissent par désintégration radioactive de la chaleur. Cette dernière devient de l’électricité via un thermocouple, un principe découvert en 1821 (potentiel électrique entre deux métaux de température différente). Le rendement est mauvais (10 % au maximum), mais n’implique aucune pièce mobile, ce garantit une très grande fiabilité. Le plutonium-238 apporte lui une longévité potentielle qui se mesure en décennies. Des batteries rechargées par le générateur donnent la souplesse nécessaire et la puissance requise pour voler.

Schéma résumant l’arrivée de Dragonfly sur Titan en 2034. L’hélicoptère entrera dans l’atmosphère de la lune de Saturne protégée par une capsule qui sera ralentie par un parachute. Dragonfly prendra ensuite son élan et ira se poser pour conclure son arrivée. Au cours de sa mission, la «libellule robotique» utilisera ses rotors pour se déplacer vers différentes zones qu’elle analysera une fois posée.
© NASA/Johns Hopkins APL/Steve Gribben

Illustration de Dragonfly en phase de vol.
© NASA/Johns Hopkins APL/Steve Gribben

Titan peut nous apprendre comment la vie est apparue sur Terre

Cette mission de la NASA est gérée par l’Applied Physics Laboratory (APL) de la Johns Hopkins University à qui on doit par exemple New Horizons ou DART. Le budget approuvé par l’agence américaine atteint 3,35 milliards de dollars au total avec un lancement en 2028, une arrivée en 2034 et au minimum 2,7 ans de fonctionnement sur Titan. Le feu vert budgétaire a été officiellement confirmé le 17 avril.

La conjugaison d’une pesanteur 7 fois faible que sur Terre et d’une atmosphère 4 fois plus dense fait que Dragonfly vise des vols de plusieurs kilomètres voire dizaines de kilomètres en moins d’une heure ! 

Une mobilité inédite

En matière d’exploration planétaire automatisée, la mobilité de Dragonfly est inédite. Par comparaison, Perseverance a parcouru un peu plus de 25 km depuis 2021. Les déplacements de Dragonfly donneront à cette mission la capacité d’analyser Titan sur des endroits différents et éloignés. La mise en route des instruments se fera une fois Dragonfly posé. En vol, l’électricité disponible sera consacrée aux rotors et aux électroniques de contrôle. Outre mieux connaître Titan, le but scientifique principal consiste à scruter la chimie de cette lune qui est dite prébiotique, très proche de celle de la Terre primitive. Autrement dit, le plus grand satellite naturel de Saturne héberge des mécanismes chimiques qu’on estime similaires à ceux qui ont permis l’apparition de la vie sur notre planète.

Dragonfly effectuera ses analyses une fois posé à la surface. Sa mobilité aérienne servira à se déplacer vers des zones différentes.
© NASA/Johns Hopkins APL/Steve Gribben

La France est à bord

Pour étudier au mieux Titan et sa fascinante chimie prébiotique, Dragonfly emporte 4 instruments scientifiques dont bien sûr un ensemble de caméras nommé DragonCam. DraGNSS (Dragonfly Gamma-Ray and Neutron Spectrometer) analysera le sol. On trouve à bord en plus une importante participation française via son agence spatiale CNES. Tout d’abord une contribution au sein de DraGMet qui s’occupera de relevés météorologiques. La France intervient surtout au coeur de l’instrument DraMS (Dragonfly Mass Spectrometer), un spectromètre de masse chargé de déterminer les éléments chimiques prélevés dans le sol avec deux foreuses placées sur les patins d’atterrissage. DraMS s’impose comme indispensable pour l’étude de la chimie prébiotique de Titan. Si cet instrument est américain (fourni par le centre Goddard de la NASA), son essentiel chromatographe en phase gazeuse, le DraMS-GC, est sous la responsabilité du CNES qui en a confié la réalisation aux laboratoires LGPM/LESIA sous maîtrise d’œuvre du LATMOS.

Le 14 janvier 2005, la sonde Huygens de l’Agence Spatiale Européenne se posait à la surface de Titan, une première. L’image à gauche montre la surface de cette lune depuis 5 km d’altitude. Le cliché à droite, est une photo prise après l’arrivée au sol.
Huygens avait été larguée en décembre 2004 par la sonde Cassini qui a orbité autour de Saturne jusqu’en 2017. La mission Cassini-Huygens associait la NASA, l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et l’Agence Spatiale Italienne (ASI).
© Cité de l’espace d’après NASA/ESA/University of Arizona

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