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À la recherche de la vie dans l’Univers avec Nathalie Cabrol

Publié le 02 avril 2024

L’astrobiologiste Nathalie Cabrol sera à la Cité de l’espace le 8 avril. Elle viendra parler de sa discipline, des pistes privilégiées pour identifier la vie ailleurs que sur Terre et dédicacera son livre “A l’aube de nouveaux horizons”.

À la recherche de la vie dans l’Univers avec Nathalie Cabrol

Le 8 avril, à l’occasion d’une soirée spéciale consacrée à l’éclipse totale de soleil qui traversera les Etats-Unis, Nathalie Cabrol astrobiologiste et directrice du Centre de recherche Carl Sagan de l’Institut californien SETI est l’invitée de la Cité de l’espace. L’occasion de parler de sa discipline, l’astrobiologie et de son livre “A l’aube de nouveaux horizons” où elle explore les différentes pistes pour trouver la vie dans le Système solaire et au-delà.

C’est quoi l’astrobiologie ?

Cette discipline cherche à comprendre les origines de la vie et si nous sommes seuls dans l’Univers.

Si les Grecs s’intéressaient déjà à la possibilité que les êtres humains ne soient pas seuls dans l’Univers, la recherche de la vie dans le Système solaire ou au-delà, en dehors de la science-fiction, est évoqué par Carl Sagan au début des années 60 à l’occasion du départ des premières sondes vers Mars. Il a notamment publié un article qui commence déjà à parler d’écosystèmes microbiens sur Mars. Pourtant, ce n’est qu’au milieu des années 90 que le terme est véritablement accepté. La NASA ouvre en 1998 le premier institut d’astrobiologie, deux ans après la disparition de Carl Sagan. « Malheureusement, il n’a pas connu l’officialisation de cette discipline pour laquelle il a tant fait » regrette Nathalie Cabrol qui l’a bien connu. « L’astrobiologie, ce n’est pas véritablement une discipline, c’est un ensemble de disciplines qui se préoccupent de la recherche de la vie dans l’Univers autour de trois questions. Quelle est l’origine de la vie ? Sommes-nous seuls ? Et quel est le futur de la vie sur Terre et au-delà ? Donc ce sont les trois grandes questions », résume-t-elle. Une démarche qui peut réunir des profils et des professions très différentes. « Vous pouvez être un géologue ou un biologiste, vous pouvez être un chercheur qui s’occupe du climat ou de l’environnement, un physicien, un astrophysicien ou un astronome et être un astrobiologiste ». 

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Le rover Curiosity a permis d’établir que la planète Mars était habitable à un moment de son histoire.

© NASA / JPL

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Cette photo a été prise par l’astronaute de l’ESA Samantha Christoforetti. A l’horizon, la brume bleue visible est notre fine atmosphère qui fournit l’air que nous respirons et nous protège des rayonnements.
© ESA

Que recherche l’astrobiologie ?

Trouver des traces de vie passées ou présentes 

Le principe, c’est que chaque discipline va appréhender cette question de la recherche de la vie à travers son angle. « Les plus grandes découvertes se font à l’intersection des disciplines. C’est vraiment la beauté et la force de l’astrobiologie qui crée encore plus de sciences qu’une science par elle-même », assure Nathalie Cabrol. « Je l’ai vu avec les interactions dans mes équipes, qui sont multidisciplinaires, où on s’intéresse aux signatures de la vie. Vous avez les géologues qui nous parlent d’environnement ou de la sédimentologie, de la minéralogie. Vous avez les biologistes qui nous parlent d’écosystème. Et puis vous avez les roboticiens qui arrivent et qui nous disent “on va vous aider à comprendre quels sont les instruments, les résolutions, les échelles spatiales dont vous allez avoir besoin. C’est une approche très holistique ». 

Chercher la vie ailleurs, pour la comprendre ici

L’astrobiologie permet aussi d’en savoir davantage sur nos origines. « Pour le moment, on n’a qu’un seul modèle, c’est notre biochimie, c’est le modèle qu’on connaît. Ce qui veut dire que pour le moment, toutes les questions que l’on pose quand on cherche la vie ailleurs, ce sont des questions qui nous ramènent à nous ». On va ainsi essayer de comprendre ce qu’est l’habitabilité et sa fragilité. « Quand vous posez toutes ces questions, vous creusez pour essayer de comprendre ce que c’est que la coévolution de la vie et de l’environnement et ça nous ramène à la maison, toujours. Tant qu’il n’y a pas d’autre biochimie, toutes ces interrogations qu’on a, ce sont des interrogations vis-à-vis de nous-mêmes. En fait, c’est un merveilleux miroir de qui nous sommes, de notre évolution sur cette planète et peut-être de notre futur sur cette planète ». 

Qu’est ce que la vie ?

Nous recherchons la vie telle que nous la connaissons, mais elle pourrait prendre d’autres formes

Sur Terre, on sait reconnaître la vie. Mais dans le Système solaire et au-delà, on ne sait pas vraiment quelle forme elle pourrait prendre. « On part chercher quelque chose dont on n’a pas la moindre idée de ce que c’est », indique Nathalie Cabrol. « On en est toujours à penser que seule notre biochimie amène à la vie. Et ça, on n’en a pas du tout la moindre idée si c’est vrai ou pas ». Par ailleurs, l’astrobiologiste indique que les briques qui font la vie telle qu’on la connait sont les éléments les plus communs de l’Univers. « On a tendance dans notre tête à se dire que la vie, ça doit être exceptionnel. Je pense qu’il y a un biais intellectuel de ce côté-là », remarque-t-elle. « Et plus on cherche, plus on se rend compte que des environnements assez similaires à la Terre sont nombreux et que les éléments qui nous composent, les briques de la vie, les atomes primordiaux, ce sont les plus nombreux. Avec le télescope James Webb, on voit les molécules organiques qui apparaissent il y a 12 milliards d’années, c’est-à-dire un milliard d’années après le Big Bang ».

En 2019, Hubble a découvert de la vapeur d’eau dans l’atmosphère de K2-18b. Cette exoplanète, située dans la zone habitable de son étoile, est une « super-Terre ». Sa masse est fois plus grande que celle de la Terre.

© Vue d’artiste – NASA

Le télescope James Webb - Illustration d'artiste

Le télescope spatial James Webb peut révolutionner nos connaissances sur les exoplanètes, le Système solaire et la formation de l’Univers.

© NASA

Un foisonnement de découvertes

Jamais les connaissances et les découvertes n’ont permis d’en apprendre autant sur l’astrobiologie

« C’est absolument extraordinaire ! Je pense que quand les historiens de la science se retourneront dans quelques décennies, dans quelques siècles, regarderont cette époque… C’est absolument un pivot dans l’histoire des sciences et de l’histoire de l’exploration », s’enthousiasme Nathalie Cabrol. Elle remarque qu’il y a un foisonnement de technologies. Certaines comme les télescopes spatiaux ou au sol permettent d’explorer de manière lointaine. D’autre plus proches, comme avec l’exemple des rovers martiens. Et puis, la technologie permet aussi de mieux analyser les données. Elle attend, notamment, beaucoup de l’intelligence artificielle. « C’est quelque chose d’absolument phénoménal. Parce que, non seulement il y a l’aspect actif de cette chose-là. Aujourd’hui même pour SETI (la recherche d’ondes radios émises par d’éventuelles intelligences extra-terrestres) on met des algorithmes sur les radiotélescopes et puis on espionne un peu pendant que les astronomes font autre chose. Mais en plus, il y a l’aspect d’archéologie. On peut utiliser l’IA pour aller fouiller dans les données qu’on a. Non seulement de SETI, mais aussi de l’exploration planétaire. Et donc, c’est une espèce à la fois d’exploration vers le futur et d’archéologie de l’exploration spatiale. Et tout ça arrive en même temps ». 

Où pourrait-on découvrir les premières traces de vie ?

Pour l’astrobiologiste Nathalie Cabrol, les lunes glacées de Jupiter et de Saturne sont prometteuses

Nathalie Cabrol n’imagine pas qu’on puisse prouver avec certitude que la vie existe sur une exoplanète. « On n’a pas les moyens de vérifier l’information. Il faudrait véritablement que ce soit des molécules qui puissent être formées que par quelque chose d’artificiel ». Pour elle, si on continue de découvrir des molécules comme de l’eau, du méthane, rien ne pourra prouver qu’elles ne sont pas le résultat d’un processus naturel. « Pour la partie SETI, ça peut arriver à n’importe quand. Et si ça se trouve, c’est déjà dans nos archives », estime-t-elle. Et elle espère que l’intelligence artificielle pourra aider à comprendre d’éventuels signaux. 

De la vie dans le Système solaire ?

Au-delà de la mission de retour d’échantillons martiens, le système jovien intéresse particulièrement la directrice de l’Institut Carl Sagan. « C’est très très intrigant », résume-t-elle. Les missions JUICE, bientôt rejointe par Europa Clipper, vont tenter d’en savoir plus sur ces mondes glacés des lunes galiléennes de Jupiter comme Europe, Ganymède et Callisto. « Mais si j’avais une préférence, j’attends avec beaucoup d’impatience la mission Dragonfly sur Titan ». Cette mission prévoit d’envoyer un drone dans la dense atmosphère de la lune glacée de Saturne à l’horizon 2028.  

Le radiotélescope de Green Bank participe au programme SETI.

© CC BY-SA 3.0

Vue d’artiste de la mission Dragonfly qui doit décoller pour la lune glacée de Saturne, Titan en 2028.

© NASA

PaleBlueDot

Le « point bleu pâle » (Pale Blue Dot ») est une photo de la Terre prise par la sonde Voyager 1 alors située à 6 milliards de km. « Regardez encore ce point. C’est ici. C’est notre foyer. C’est nous », avait commenté Carl Sagan. « Sur lui, tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez entendu parler, tous les êtres humains qui aient jamais vécu, ont vécu leur vie »  © NASA

Et s’il n’y avait que nous ?

Si sa discipline cherche à trouver la vie ailleurs, Nathalie Cabrol envisage aussi l’hypothèse qu’elle ne se soit développé que sur Terre

Tous ces mails finissent avec cette citation de la bande dessinée Calvin & Hobbes. « La meilleure preuve que l’intelligence extraterrestre existe dans l’Univers, c’est que personne n’a essayé de nous contacter ». « Je pense qu’à l’heure actuelle, on l’a mérité », plaisante-t-elle. Pourtant, l’hypothèse que la vie ne se soit développée que sur la Terre reste envisageable. Carl Sagan l’imaginait déjà et parlait alors d’« un grand gâchis d’espace ». « Ce serait en même temps une énorme responsabilité », assure Nathalie Cabrol. « Si on est tout seul, il y a certainement une grande signification derrière tout ça. Il y a des gens qui y mettront Dieu, il y a d’autres personnes qui y mettront autre chose. La science nous permet de comprendre la nature en la mesurant. La spiritualité nous permet d’appréhender ce qu’on ne peut pas mesurer. Et je n’ai aucun problème pour naviguer entre les deux ». Mais pour elle, c’est une immense chance d’avoir l’opportunité de se poser ces questions. « On doit avoir toujours une reconnaissance infinie de pouvoir être vivant, de pouvoir observer ces choses-là, de pouvoir essayer de comprendre ce qui nous entoure et encore plus d’être vivant à l’heure actuelle, parce que c’est vraiment extraordinaire ! » 

À l’aube de nouveaux horizons

Nathalie Cabrol

Éditions J’ai Lu

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