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Une image du trou noir de notre galaxie

Publié le 13 mai 2022

À partir de données recueillies sur huit radiotélescopes, une équipe scientifique internationale a obtenu un portrait du trou noir supermassif, ou plus exactement du gaz incandescent qui l’entoure, situé au centre de notre galaxie.

Rappelez-vous, voici à peine plus de trois ans en avril 2019, une équipe internationale nommée Event Horizon Telescope (EHT) nous avait fait découvrir une image du gigantesque trou noir tapi au cœur de la galaxie M87 à 55 millions d’années-lumière de nous. Ce même consortium de chercheurs nous offre désormais un portrait de Sagittarius A*, le trou noir supermassif de la Voie Lacté, notre galaxie.
L’animation vidéo ci-dessous, de l’European Southern Observatory (ESO) qui participe à l’EHT, vous propose donc de voyager depuis le radiotélescope ALMA au Chili vers Sagittarius A* à 27000 années-lumière de la Terre.

Huit radiotélescopes et beaucoup de patience

L’ Event Horizon Telescope, ou EHT, réunit environ 300 chercheurs de 80 instituts scientifiques dans le monde entier. Une mobilisation planétaire autour d’un défi technique de haut niveau : utiliser huit radiotélescopes afin de combiner les données de leurs observations avec un superordinateur en vue d’obtenir l’image de trous noirs. Précisons tout de suite (comme dans notre précédent article pour le trou noir de M87) qu’il ne s’agit pas en fait d’une image d’un trou noir. Par essence, l’objet ne peut pas être scruté directement puisque rien ne s’en échappe, pas même la lumière. En revanche, on épie les gaz chauds incandescents qui l’entourent en dehors de la «frontière» du trou noir à partir de laquelle plus rien n’échappe à l’intense puits gravitationnel. Soumis à des températures extrêmes, ces gaz émettent dans différentes longueurs d’onde, notamment submillimétriques et qui ont été captées par les radiotélescopes de l’EHT.

Le trou noir supermassif de notre galaxie. Une image issue des données récoltées par huit radiotélescopes, fruit du travail de l’Event Horizon Telescope.
Crédit : EHT Collaboration

Position dans le monde des radiotélescopes employés par l’Event Horizon Telescope. Les huit utilisés pour le portrait du trou noir de notre galaxie sont en orange (ALMA, APEX, 30 m IRAM, JCMT, SMT, SMA, LMT et SPT).
Crédit : ESO/M. Kornmesser

Les radiotélescopes mis à contribution pour cette image sont l’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA) et l’Atacama Pathfinder EXperiment (APEX) au Chili, le télescope de 30 mètres de l’IRAM en Espagne, le James Clark Maxwell Telescope (JCMT), le SubMillimeter Telescope (SMT) et le SubMillimeter Array (SMA) aux États-Unis, le Large Millimeter Telescope (LMT) au Mexique et enfin le South Pole Telescope (SPT) dans l’Antarctique.

 

Songez que les données ont été récoltées en… 2017 ! Le portrait du trou noir central de notre galaxie a donc certes demandé ces huit radiotélescopes, mais aussi beaucoup de travail et de patience. En effet, si la puissance de calcul d’un superordinateur de l’Institut Max Planck de radioastronomie en Allemagne a été nécessaire, les scientifiques de l’EHT ont également compilé très méticuleusement les observations afin de surmonter un obstacle lié au fait que le gaz autour du trou noir central de la Voie Lactée en fait le tour en seulement quelques minutes malgré sa taille (la vitesse est proche de celle de la lumière). La situation s’apparente à celle d’un flou de bougé lorsqu’on prend une photo. Pour Chi-kwan Chan de l’université d’Arizona (États-Unis) qui fait partie de l’équipe de l’EHT, c’est «comme si l’on essayait de prendre une photo claire d’un chiot qui court après sa queue»… Jolie métaphore. Grâce à un traitement des données qualifié de sophistiqué, le consortium scientifique est toutefois parvenu à cette image, la première de Sagittarius A*, le nom du trou noir central de la Voie Lactée.

UN PORTRAIT DE SAGITTARIUS A*

Cela fait quelques décennies que les astronomes pensent que notre galaxie, comme bien d’autres, héberge un «monstre» en son centre. Les indices, tels les mouvements des étoiles proches autour de lui, étaient nombreux, mais cette image est une preuve directe. Elle confirme le portrait de ce trou noir dont la masse est équivalente à 4 millions de fois celle du Soleil. Son diamètre est d’environ 24 millions de kilomètres. Toutefois, l’anneau visible sur l’image est plus grand puisqu’il tourne autour. Si on mettait Sagittarius A* à la place de notre étoile, l’anneau irait jusqu’à l’orbite de Mercure (ce qui donne un diamètre à cet anneau d’environ 100 millions de kilomètres).

Portraits comparés du trou noir de M87 et de notre Voie Lactée. Le premier est mille fois plus grand que le second ! Remarquez que, sur celui de M87, le petit cercle est celui de l’orbite de Pluton (avec la position relative de Voyager 1). Pour Sagittarius A*, bien plus modeste, l’orbite de Mercure suffit.
Crédit : Cité de l’espace d’après EHT collaboration (remerciement : Lia Medeiros)

À 27000 années-lumière de nous, Sagittarius A* ne représente aucun danger (une question qui revient assez souvent). En revanche, cette observation confirme le rôle central joué par les trous noirs au sein des mécanismes de formation et d’évolution des galaxies. Et c’est de surcroît une vérification de plus de la justesse de la théorie de la relativité générale d’Einstein. Membre de l’EHT, Geoffrey Bower de l’Institut d’astronomie et d’astrophysique Academia Sinica à Taipei déclare à ce propos : «Nous avons été stupéfaits de voir à quel point la taille de l’anneau correspondait aux prévisions de la théorie de la relativité générale d’Einstein». Car c’est ici un autre aspect fascinant des trous noirs. Au regard des phénomènes extrêmes qui s’y produisent, impossibles à reconstituer en laboratoire, ils nous offrent des occasions uniques de tester nos modèles théoriques dans leurs retranchements afin de les confirmer ou de les faire évoluer si nécessaire.

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