• Histoire
  • Vols habités

Apollo 12 : il y a 50 ans, on retournait sur la Lune

Publié le 14 novembre 2019

En novembre 1969, la NASA a mené avec succès sa deuxième mission lunaire habité.  Les astronautes Pete Conrad et Alan Bean ont alors rendu visite à la sonde automatique Surveyor 3 arrivée 2 ans avant eux dans l’Océan des Tempêtes.

Apollo 12 : il y a 50 ans, on retournait sur la Lune

La NASA vise actuellement un retour sur la Lune pour 2024, un calendrier qui lui a été demandé par la Maison-Blanche. Un retour qui s’inscrit dans un élan international en direction de notre voisine céleste et qui fait l’objet de l’exposition Lune Episode II à la Cité de l’espace de Toulouse.
Mais en 1969, seulement 4 mois après Apollo 11, l’agence américaine avait déjà en quelque sorte signé son premier retour sur notre satellite naturel. C’était lors d’Apollo 12 dont nous célébrons le cinquantième anniversaire. Ci-dessous, une vidéo commémorative de la NASA mise en ligne le 14 novembre.

Un programme scientifique plus ambitieux

Le contexte de 1969 est marqué par le fait que, pour les politiques qui votaient les budgets spatiaux de l’époque, l’essentiel avait été accompli par Apollo 11, à savoir battre les Soviétiques dans la course à la Lune. En conséquence, les fonds alloués pour ce programme évoluaient désormais à la baisse. La NASA voulait toutefois montrer que l’exploration lunaire n’en était qu’à ses débuts et luttait contre l’idée qui présentait Apollo 12 comme un simple bis d’Apollo 11…

L’équipage d’Apollo 12 (de gauche à droite) : Charles «Pete» Conrad, Richard «Dick» Gordon et Alan Bean. Tous 3 étaient des pilotes d’essai de la Navy liés par une solide amitié.
Crédit : NASA

De fait, le programme scientifique de cette mission s’avérait plus ambitieux, car il reposait sur les acquis du précédent vol. Maintenant qu’on savait atterrir sur la Lune, on le ferait avec précision puisque les astronautes devraient rendre visite à Surveyor 3, une sonde arrivée là-haut en 1967. De plus, au lieu d’une seule sortie en scaphandre de deux heures et demie, cette fois-ci deux de presque 4 heures avaient été prévues.

Quand Aaron et Griffin permettent à Apollo 12 de continuer

Le 14 novembre 1969, la fusée Saturn V décollait du centre spatial Kennedy en Floride à 11h22, heure locale alors que la météo n’était guère au beau fixe. Après 36 secondes de vol, la foudre s’abattait sur le lanceur en pleine ascension. Une nouvelle décharge frappa 16 secondes après. La trajectoire n’en fut pas affectée, mais les contrôleurs au sol comme les astronautes notèrent une anomalie.

À 11h22, heure locale de Floride, la fusée Saturn V arrachait ses 110 m de hauteur et ses 3 000 tonnes du pas de tir 39A du centre spatial Kennedy sous une averse de pluie.
Crédit : NASA

En fait, la foudre avait provoqué l’arrêt des piles à combustible du CSM (Command and Service Module, l’ensemble formé par la capsule Apollo et son module de service) dont l’alimentation en électricité bascula aussitôt sur batteries. À Houston, l’ingénieur John Aaron identifia correctement la panne, car il y avait été confronté lors d’un entraînement voici un an. Mais lorsqu’il demanda, via le capcom chargé des communications avec l’équipage, que soit actionné un interrupteur spécifique, ni le commandant Pete Conrad, ni le pilote du Module de Commande Charles Gordon ne comprirent la consigne. Fort heureusement, Alan Bean se souvenait de l’entraînement comme Aaron et effectua la procédure requise, évitant certainement une annulation de la mission !
Tout n’était pas pour autant gagné. Alors que le troisième étage du lanceur Saturn V arrivait sur orbite avec à son sommet le CSM baptisé Yankee Clipper et le Module Lunaire Intrepid, le chef des contrôleurs Gerry Griffin se demandait s’il fallait continuer ou non. La question en suspens était l’état du Module Lunaire. Et s’il avait été endommagé par la foudre ? Or, on ne le saurait que lorsque le CSM s’y amarrerait en route vers la Lune, signifiant que Conrad, Bean et Gordon pourraient être confrontés à un engin incapable d’accomplir un alunissage. Les ingénieurs estimèrent qu’Intrepid avait probablement été isolé de l’incident et expliquèrent leurs arguments à Gerry Griffin qui assuma la décision de continuer.

Le grand pas de Conrad

Quatre jours plus tard, Apollo 12 s’inscrivait sur orbite lunaire. Charles Gordon resta à bord de Yankee Clipper tandis que ses deux compagnons se dirigeaient vers notre satellite naturel à bord du Module Lunaire Intrepid. L’alunissage eut lieu le 19 novembre 1969 à 6h54 TU (Temps Universel) dans une région connue sous le nom d’océan des Tempêtes. Un peu moins de 5 heures plus tard, Pete Conrad descendait l’échelle d’Intrepid et, juste avant de mettre le pied sur la Lune, dit «C’en était peut-être un petit pour Neil, mais c’en est un grand pour moi !». Curieux pour une phrase censée être historique… Toutefois, le commandant d’Apollo 12 était réputé pour sa verve naturelle et une bonne dose d’autodérision. Il faisait ainsi allusion au fait qu’il était plus petit en taille que Neil Armstrong, ce qui lui demandait plus d’effort pour descendre du dernier barreau de l’échelle de Module Lunaire. Il démontrait surtout à la journaliste italienne Oriana Fallaci que la NASA ne dictait pas le contenu des conversations des astronautes comme elle le pensait !

Pour le cinquantenaire d’Apollo 12, la veuve de Pete Conrad, Nancy Conrad, a enregistré un témoignage dans lequel elle raconte des anecdotes liées à cette mission et notamment ce pari avec la journaliste italienne.

Comme l’explique Nancy Conrad, la blague de son mari au pied de l’échelle du Module Lunaire avait fait l’objet d’un pari de 500 dollars (une somme rondelette en 1969) avec Oriana Fallaci. L’astronaute précisa plus tard n’avoir jamais reçu son dû.

Trente minutes après, Alan Bean rejoignait son commandant. Les deux hommes s’attelèrent alors à leur programme chargé comprenant le déploiement du drapeau américain, la mise en service d’expériences scientifiques et la récolte d’échantillons. Hélas, en déplaçant la caméra de télévision, Bean pointa accidentellement celle-ci vers le Soleil, ce qui brûla instantanément le capteur Vidicon à tube, privant Apollo 12 de l’un de ses atouts majeurs en matière de communication : des images couleurs en direct de la Lune.

Surveyor 3 : une première qui reste à refaire

Cette première sortie en scaphandre s’acheva à 15h28 TU par la fermeture de l’écoutille d’Intrepid. Les deux hommes se reposèrent alors un peu avant de débuter leur deuxième marche le 20 novembre à 3h54 TU. Le but de leur excursion : la sonde Surveyor 3 qui arriva sur la Lune le 17 avril 1967. Grâce à la précision de l’atterrissage, ils n’en étaient qu’à environ 200 m. Pour la première fois, et la seule fois à ce jour, des astronautes allaient rendre visite au robot qui les avait précédés ! Le déplacement n’était cependant pas uniquement symbolique et intéressait au plus haut point les ingénieurs. On n’avait en effet alors aucun recul (et toujours très peu actuellement) sur la façon dont ce type de matériel «vieillissait» sur la Lune. Pete Conrad et Alan Bean prélevèrent donc 10 kg d’éléments divers sur Surveyor 3 dont sa caméra afin de les ramener sur Terre. Celle-ci est exposée au Air and Space Museum de Washington, DC. Cette deuxième et dernière sortie en scaphandre de la mission s’acheva à 7h44 TU le 20 novembre. Six heures et quarante minutes après, la partie supérieure de l’Intrepid décollait avec Pete Conrad et Alan Bean pour rejoindre le Yankee Clipper et Richard Gordon. Le trio d’Apollo 12 de nouveau réuni, le retour vers la Terre put commencer.

Lors de la deuxième sortie en scaphandre, les astronautes (ici Pete Conrad) rendirent visite à la sonde Surveyor 3 qui s’était posée sur la Lune en avril 1967. Au loin, on remarque le Module Lunaire.
Crédit : NASA

Et si les parachutes ne s’ouvraient pas ?

Le 24 novembre 1969, Yankee Clipper entrait dans l’atmosphère terrestre. Les trois hommes ne le savaient pas alors, mais quelques techniciens craignaient depuis le 14 novembre que la foudre au décollage ait endommagé le système pyrotechnique qui déclenche l’ouverture des parachutes… Tel ne fut pas le cas et la capsule amerrit sans encombre dans l’océan Pacifique à 20h58 TU. La mission avait duré en tout 10 jours, 4 heures et 26 minutes, ramené 34 kilos d’échantillons lunaires pour 31,5 heures passées sur le sol de notre satellite naturel dont 7 heures et 27 minutes de sortie en scaphandre. De son côté, Richard Gordon cumula 45 orbites autour de la Lune pendant 89 heures. Ce dernier espérait repartir là-haut pour y marcher avec Apollo 18. Un projet qui ne concrétisa jamais, cependant le pilote du Module de Commande travailla ensuite au développement de la navette spatiale. Il nous a quittés en novembre 2017 à 88 ans.
Pete Conrad eut lui l’occasion de repartir en restant dans la banlieue terrestre puisqu’il commanda le premier équipage de la station américaine Skylab en 1973. Il décéda des suites d’un accident de moto en juillet 1999.
Le coéquipier de Conrad sur la Lune, Alan Bean, participa également à une mission Skylab en qualité de commandant. Après avoir quitté la NASA en 1981, il se consacra entièrement à la peinture et ses œuvres ont connu un succès notable. Il est mort en mai 2018 âgé de 86 ans.

Vous pouvez aussi retrouver la mission Apollo 12 racontée en français dans la vidéo ci-dessous mise en ligne quelques jours après le décès d’Alan Bean.

Articles sur le même thème

La Cité de l’espace en ligne

Nos ressources et actualités spatiales