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Les outils des astronautes bientôt imprimés dans l’ISS ou sur la Lune ?

Publié le 04 juin 2024

Imprimer du métal dans l’espace. Une première ! L’imprimante “Métal 3D” conçue par Airbus D&S pour l’ESA et opérée par le Cadmos, au CNES, a été installée dans l’ISS et a commencé à imprimer des éléments. Elle ouvre la voie à l’impression d’outils en orbite, sur la Lune ou sur Mars.

Les outils des astronautes bientôt imprimés dans l’ISS ou sur la Lune ?

Elle est montée en janvier dernier avec le cargo Cygnus. L’imprimante “Métal 3D” conçue par Airbus D&S pour l’ESA a rejoint l’ISS. Ensuite, il a fallu une journée à l’astronaute danois Andreas Mogensen pour la configurer et l’installer dans le rack du module européen Columbus, grâce à l’aide des opérateurs du Cadmos, le laboratoire du CNES qui accompagne les astronautes et les chercheurs. Depuis quelques jours, elle a commencé à imprimer des premiers échantillons de démonstrations. Ces éléments en acier inox, imprimés dans l’ISS, reviendront ensuite sur Terre pour s’assurer de leur fiabilité. Cette première mondiale ouvre la voie à de nombreuses applications pour les vols habités. Les astronautes pourraient, à terme, pouvoir imprimer leurs outils ou des pièces de rechange.

Le 30 mai, les premiers échantillons ont commencé à être imprimés.
© ESA

L’impression commence

MàJ – 04/06/2024 L’ESA a annoncé que les premiers éléments sont en cours d’impression et a publié une première vidéo

C’est une simple petite courbe en S déposée sur la semelle en acier, mais c’est une première. Sur cette vidéo, on aperçoit la toute première impression en 3D de métal dans l’espace. Elle a eu lieu le 30 mai 2024 dans le module européen  Columbus. Il s’agit pour le moment d’une ligne test pour savoir si la mise en service de l’imprimante s’est bien passée. Les premiers échantillons devraient suivre dans les prochaines semaines. « La qualité est à la hauteur de nos rêves » indique Sébastien Girault d’Airbus D&S dans le communiqué de l’ESA. 

Imprimer dans l’espace pas si simple

Il a fallu adapter le procédé d’impression 3D du métal à la micropesanteur

La plupart des imprimantes de métal 3D utilisent un procédé sur lit de poudre. La poudre est déposée, puis solidifiée par le laser. Mais, ce procédé est impossible en micro-pesanteur. Les concepteurs ont alors décidé de mettre au point un système d’impression additive qui ressemble à ce qui se fait pour le plastique. « Ça fonctionne avec un fil en métal qui est fondu et déposé sur une surface. Cette surface étant mobile, on peut créer des géométries souhaitées », indique Sébastien Girault, ingénieur système du projet “Métal 3D” chez Airbus D&S. Pour s’assurer que ce système fonctionne, ils l’ont testé, dans tous les sens. « On l’a tournée, on l’a mise à l’envers, pour voir s’il y avait un impact de la gravité sur ce procédé. Et la réponse, c’est il n’y en a pas ou en tous pas mesurables avec les moyens testés ». 

Le métal : idéal dans l’espace

Si l’ESA a commandé cette imprimante à Airbus D&S c’est parce que le métal a des propriétés mécaniques et thermiques très intéressantes, bien meilleures que le plastique. « Avec du métal, on peut faire des pièces structurelles qui ont une très bonne tenue à des efforts importants et une meilleure durée de vie aussi par rapport au plastique qui vieilli très vite, surtout dans le vide spatial », précise Sébastien Girault. 

equipe metal3D

Gwenaëlle Aridon, responsable du département projets avancés et robotiques chez Airbus D&S, Sébastien Girault, ingénieur système du projet « Metal 3D », et Nicolas Sprenger, responsable des activités technologiques et sciences au Cadmos devant le modèle au sol et le rack EDR-2 installés au Cadmos à Toulouse. 

© Cité de l’espace

ouverture

Nicolas Sprenger, responsable des activités technologiques et sciences au Cadmos, dévisse la trentaine de boulons qui permettent de sceller le caisson qui contient l’imprimante 3D qui va fonctionner au Cadmos en même temps que le modèle dans l’espace. Cette enveloppe permet de protéger les astronautes et de garder le caisson étanche.

© Cité de l’espace

Un cahier des charges contraignant

Pour pouvoir fonctionner dans l’ISS, il a fallu respecter des normes de sécurité indispensables

On ne fait pas monter n’importe quoi dans l’ISS. Et pour obtenir une certification, une expérience doit remplir un cahier des charges pour assurer la sécurité des astronautes. « On ne peut pas faire un copier-coller d’une imprimante déjà présente sur Terre », explique Gwenaëlle Aridon, responsable du département projets avancés et robotiques chez Airbus D&S. Il a d’abord fallu miniaturiser l’imprimante pour qu’il s’adapte au rack EDR-2 du module Columbus. La puissance électrique est aussi une denrée rare. Le laser qui sert à faire fondre le métal ne devait, donc, pas dépasser 200W. « On a aussi une obligation de faire un contrôle thermique puisqu’on fait fondre du métal à 1200° donc potentiellement dangereux, et il faut refroidir tout ça », assure Gwenaëlle Aridon. « L’imprimante est dans un caisson blindé pour être étanche, mais aussi pour éviter tout risque de mauvaise utilisation du laser qui pourrait percer la coque de l’ISS ». Par ailleurs, quand il est fondu, le métal dégage des gaz qu’il faut filtrer pour ne pas polluer l’air des astronautes qui ouvriront l’imprimante. Enfin, pour limiter les risques d’explosion, l’oxygène à l’intérieur de la machine est aspiré et remplacé par de l’azote.

Il a fallu 4h de temps astronaute pour permettre de configurer l’imprimante 3D, puis encore 4h pour lui permettre de l’installer dans le rack EDR-2 du module Columbus de l’ISS.

©ESA / NASA

Comment va se dérouler l’expérience ?

Il faudra 5 semaines pour réaliser les premières pièces

Dans un premier temps, il a fallu installer l’imprimante qui pèse 180kg au sol, dans l’ISS. Pas de problème, en impesanteur, pour Andreas Mogensen qui était chargé de cette mission et qui a pu la manipuler à bout de bras. Une installation qui a été supervisée depuis le Cadmos, le laboratoire du CNES pour accompagner la recherche en micropesanteur. C’est là que se trouve l’autre imprimante qui va réaliser les mêmes impressions pour pouvoir ensuite comparer les résultats. « Avant ça, Andy a fait quelques configurations sur l’imprimante, c’est-à-dire qu’il a mis le fil et la bobine qui contient le fil et place, le filtre… », indique Nicolas Sprenger, responsable des activités technologiques et sciences au Cadmos.  « Ensuite, ce sera complètement piloté depuis le sol. Au Cadmos, nous serons en opération pendant cinq semaines pour la première impression avec le support d’Airbus. Tout le challenge est de ne pas faire une tour de Pise. Il faut que chaque couche d’impression soit parfaitement plane ». Après chaque couche, il y aura un contrôle des équipes au sol grâce à une caméra embarquée dans le caisson. Ce sont d’abord des objets très simples qui vont être créés, des tubes qu’on appelle des “éprouvettes de traction”. «  Elles seront ensuite redescendues sur Terre pour voir la qualité d’impression, en faisant des tests au sol de torsion et de traction », ajoute Nicolas Sprenger. Concrètement, on va les étirer et les tordre dans tous les sens pour voir s’ils ont les mêmes propriétés que ceux imprimés au sol.

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Après chaque couche, un contrôle au sol sera nécessaire pour s’assurer que l’impression se déroule comme prévu.

© ESA

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L’imprimante va, dans un premier temps, créer des éprouvettes de traction. Elles seront, ensuite étirées, tordues, dans tous les sens pour s’assurer de leur fiabilité. Elle seront également comparées aux modèles imprimées au sol, au Cadmos. 

© ESA

Des applications en orbite et au-delà

Ce démonstrateur technologique va permettre de développer des applications pour les vols habités et pour les satellites

L’objectif, à terme, c’est de permettre aux astronautes, en orbite, sur la Lune ou sur Mars, d’être plus autonomes et flexibles. « S’ils ont besoin de réparer une pièce, ou qu’il leur manque un outil, ils ne seront pas obligés d’attendre six mois, le prochain cargo qui arrive depuis la Terre », remarque Gwenaëlle Aridon. Et pourquoi pas utiliser les ressources sur place pour produire le fil métallique. « Ce qu’on espère, c’est pouvoir produire ce fil in-situ, par exemple sur la Lune, soit à partir de matériaux recyclés comme des morceaux de rovers par exemple, soit, d’utiliser les matériaux qui sont déjà sur place naturellement en transformant le régolithe qui est riche en matériaux métalliques ».

À plus long terme, l’idée serait aussi de pouvoir travailler en orbite pour assembler des objets spatiaux ou même faire de la réparation pour augmenter la durée de vie des satellites et des infrastructures dans l’espace.

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