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Starship IFT3 : des progrès pas à pas

Publié le 14 mars 2024

Pour son troisième vol d’essai le 14 mars, le Starship de SpaceX progresse encore en s’inscrivant sur la trajectoire suborbitale visée et en réussissant plusieurs tests. Il a toutefois été perdu vers 65 km d’altitude lors de la rentrée.

Starship IFT3 : des progrès pas à pas

Le plus grand lanceur du monde avec 5000 tonnes au décollage (ergols compris), continue sa phase de vols d’essai. Même si SpaceX insiste sur cette qualification, les attentes restent élevées en raison à la fois du potentiel de l’engin (100 tonnes de charge utile sur orbite basse) et de sa sélection pour servir d’atterrisseur lunaire (une version spécifique qui n’est pas celle qui a volé) dans le cadre du programme Artemis. Rappelons que ce retour vers et sur la Lune initié par la NASA associe aussi les agences spatiales de l’Europe (ESA), du Japon (JAXA), du Canada (ASC) et plus récemment des Émirats Arabes Unis (MBRSC).

DES PROGRÈS, PAS À PAS

Mise à jour du 14 mars

Même si IFT3 (Integrated Flight Test n°3) ne s’est pas conclu par l’amerrissage attendu du Starship dans l’océan Indien, force est de constater que le développement de ce lanceur hors-norme progresse pas à pas.

33 moteurs répondent (à nouveau) présents

Après plusieurs reports de l’heure d’envol en raison de bateaux présents dans la zone d’exclusion prévue au sein du golfe du Mexique au large de Boca Chica (Texas), le Starship a mis à feu les 33 moteurs Raptor de son premier étage Super Heavy. Consommant du méthane et de l’oxygène liquides, ils ont, comme lors du vol IFT2, parfaitement fonctionné lors de cette phase de l’ascension. Rappelons que le premier vol d’essai IFT1 avait montré de sérieuses lacunes de ce côté. IFT3 confirme donc la maîtrise par SpaceX du fonctionnement simultané de 33 propulseurs.

Le décollage depuis la Starbase de SpaceX à Boca Chica (Texas) a eu lieu à 8h25 heure locale.
© SpaceX

Séparation réussie. Au premier plan, le second étage Starship. On remarque que le premier étage Super Heavy est « de travers », déjà séparé sur cette image.
© SpaceX

Hot staging et retour du Super Heavy

La séparation de type hot staging (à chaud) entre le premier étage Super Heavy et le second étage Starship s’est bien mieux déroulée que lors du précédent essai. Elle est intervenue à 72 km d’altitude après 2 minutes et 50 secondes de vol. Si cette technique délicate qui consiste à allumer le deuxième étage sans avoir complètement éteint le premier a déjà été employée, seule SpaceX l’applique à un engin de cette taille et puissance. Le Super Heavy a même entamé son retour vers le golfe du Mexique, mais a montré des problèmes de stabilité vers 4 km d’altitude, avant une perte de signal à moins de 1 km (destruction du Super Heavy : les raisons restent à préciser).

Plusieurs succès dans l’espace

De son côté, le Starship a passé la limite de l’espace (100 km) après 3 minutes et 34 secondes et, avec ses 6 moteurs Raptor allumés, a réussi à s’inscrire sur la trajectoire suborbitale visée. Montant à un peu plus de 230 km et 26000 km/h, l’engin de 50 m de long et 9 m de diamètre a cumulé plusieurs tests techniques. Tout d’abord l’ouverture puis la fermeture d’une porte en forme de fente dans la baie cargo (cette fente permettra de larguer des satellites Starlink de la firme américaine). Un transfert d’ergols entre des réservoirs du Starship a également été initié. Il s’agit de préparer la logique d’un tel processus entre des Starship sur orbite (pour aller vers la Lune, le Starship doit être ravitaillé).
Les vues en direct ont aussi montré à quelques reprises ce qui ressemblait à des débris issus du vaisseau.

Le Starship autour de la Terre, le long de sa trajectoire suborbitale allant du Texas à l’océan Indien.
© SpaceX

Spectaculaire formation du plasma autour du Starship alors qu’il entame sa rentrée dans l’atmosphère.
© SpaceX

Une rentrée spectaculaire

Enfin, le Starship a pour la première fois exercé sa capacité à rentrer dans l’atmosphère, éprouvant sa protection à base de tuiles hexagonales et la façon dont se comportent ses 4 volets de stabilisation en mode hypersonique. A cette occasion, une caméra extérieure transmettait des images très spectaculaires du plasma chaud se formant autour du vaisseau. Du jamais vu en direct.
Le signal a cependant été interrompu vers 65 km d’altitude au-dessus de l’océan Indien. SpaceX a ensuite confirmé voir perdu le vaisseau.

Le programme complet d’IFT3 n’a donc pas été rempli. Toutefois, le plan de vol communiqué était le maximum souhaité et ce qui a été réussi le 14 mars montre des progrès marquants par rapport au IFT2 du 18 novembre 2023. Des avancées concrètes obtenues en 4 mois. Dans cette logique, SpaceX a annoncé vouloir réaliser d’autres vols d’essai en 2024.

Mise à jour du 15 mars

SpaceX a publié sur son site ce premier compte-rendu d’IFT3. On y apprend (entre autres) que le Super Heavy a été détruit à 462 m d’altitude du golfe du Mexique et que le réallumage d’un unique Raptor n’a pas été accompli en raison du roulis du vaisseau.

Ci-dessous, l’article écrit avant le vol IFT3 et qui détaille plus avant le contexte de cet essai.

Nouveau plan de vol

Le vol sera raccourci d’une heure

Pour les premières tentatives, le vol devait durer environ deux heures. Le Starship ne devait pas atteindre la vitesse orbitale, mais achever sa course au large d’Hawaï après un quasi-tour de la Terre. Changement de programme, cette fois, puisque le S28 doit se diriger vers l’Océan Indien. C’est là qu’il tentera d’amerrir, après son vol. Mais ça, c’est si tout se passe bien. Avant ça, la plus grosse fusée du monde devra passer toute une série d’étapes.

Les phases du vol

  1. Dans un premier temps, SpaceX doit réussir le remplissage de sa fusée dans un temps record. Contrairement aux deux autres tentatives où le plein était effectué en 1 heure 30, la firme table maintenant sur 42 minutes. En effet, des changements ont été effectués sur la ferme à ergols pour accélérer le remplissage indépendant du booster et du vaisseau et conserver les ergols froids et denses.
  2. Ensuite, l’objectif est évidemment de réussir l’ascension du S28 et de son B10. Cette phase s’était bien passée en novembre dernier. Le pas de tir avait, lui aussi, été préservé grâce au déluge d’eau qui a été conservé dans sa configuration de l’automne dernier. On espère aussi voir plus d’images de ce décollage grâce aux caméras intégrées sur le vaisseau dont on avait perdu le signal et qui seront davantage protégées pour cette nouvelle tentative.
  3. Le “Hot Stagging”, la séparation à chaud, reste la phase la plus délicate. Elle devrait intervenir après 2 minutes et 42 secondes. Les deux éléments s’étaient séparés comme prévu en novembre, mais, avaient provoqué des incidents sur le B9 qui a explosé quelques secondes après, et sur le Starship S25 qui aurait ensuite été victime d’une fuite d’ergols, ce qui aurait, là aussi, provoqué sa perte. 

Le vaisseau Starship S28 lors de la répétition du lancement le 4 mars dernier. 4 millions et demi de litres d’ergols sont nécessaires pour le vaisseau et son booster Super Heavy. Le compte a rebours a été simulé jusqu’à T-10 secondes.

© SpaceX

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La porte cargo du Starship, le « Pez dispenser », en référence à la marque de distributeur de bonbons et qui servira pour le déploiement des satellites Starlink, sera ouverte pendant une quinzaine de minutes.

© Vue d’artiste – SpaceX

Des tests ambitieux

Si toute cette première partie se passe bien, SpaceX envisage de nouveaux tests

La porte cargo

Pour la première fois, la porte cargo du Starship sera fonctionnelle. Il s’agit du sas situé en haut du vaisseau qui doit notamment permettre le déploiement de satellite par grappe. Presque 12 minutes après le décollage, la porte devrait s’ouvrir. Puis se refermer un quart d’heure plus tard.

Transfert d’ergols

Pendant que la porte cargo sera ouverte, Space X va tenter une technique de transfert de 10t d’oxygène liquide entre un réservoir situé sous la coiffe et le réservoir principal. Il s’agit d’un test qui intéresse tout particulièrement la NASA pour ses vols habités. En effet, le Starship, dans sa configuration actuelle, n’aurait pas assez de carburant pour rejoindre la Lune. L’architecture du programme Artémis prévoit plusieurs ravitaillements en orbite avec ce qui s’apparente à une “station essence orbitale”. Ce test devrait être une sorte de démonstrateur technologique. 

Rallumage d’un moteur

Une fois que ces tests auront été effectués et si le Starship est toujours opérationnel, l’un des moteurs Raptor devrait se rallumer. Ce qui n’a jamais été réalisé sur ce vaisseau. Cette manœuvre devrait lui permettre de freiner et de se placer idéalement pour commencer son retour dans l’atmosphère et son amerrissage.

Amerrissage

Après 1 heure 4 minutes et 39 secondes précisément, soit une heure de moins que les précédentes tentatives, le Starship devrait amerrir dans l’Océan Indien.

Le Starship dans sa version HLS doit servir d’aterisseur lunaire dans le cadre du programme Artemis, dès la mission Artemis III.

© NASA / SpaceX

SpaceX joue gros

Un nouvel échec pourrait encore repousser le calendrier d’Artemis

Dans le cadre de son contrat commercial avec la NASA, la firme d’Elon Musk doit servir d’HLS (Human Landing System), d’atterrisseur lunaire dans le cadre du programme Artemis. Dès Artemis III, désormais prévu en 2026, les astronautes atteindront l’orbite de la Lune à l’aide de la capsule Orion. Là, ils rejoindront un Starship qui leur servira à descendre sur le sol lunaire et à redécoller pour l’orbite de la Lune. Les astronautes retrouveront leur capsule Orion et reviendront sur Terre. Dernièrement, l’interface entre les deux vaisseaux a été finalisée. 

Impatience de la NASA

Dès le mois, de mai dernier, après le premier échec du Starship, la NASA ne cachait pas son inquiétude. Même en cas de réussite de ces tests, on sera loin d’une qualification du Starship pour des vols habités. Il faudra aussi s’assurer du bon fonctionnement du ravitaillement en ergols, en orbite, dont le process n’est pas encore clair. SpaceX doit par ailleurs, toujours dans le cadre de son contrat avec la NASA, réussir au moins un alunissage et redécollage à vide avant Artemis III. En cas d’échec de cette troisième tentative, l’hypothèse de se tourner vers Blue Origin, la firme de Jeff Bezos, le patron d’Amazon, dont l’atterrisseur Blue Moon doit assurer les vols Artemis V et VI pourrait se renforcer.

Fin février, la NASA et SpaceX ont réalisé des tests de qualification pour l’interface entre le vaisseau Orion et le vaisseau Starship qui devront se retrouver en orbite autour de la Lune. 

© NASA / Space X

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